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Critique de nadejda


Ce texte vraiment très beau de Rafael Chirbes est universel et je ne crois pas (contrairement à le bison dont je respecte l'avis) qu'il soit nécessaire de connaître précisément la période de la guerre civile espagnole et de ses lendemains pour en être bouleversé.

Si les années de guerre civile et celles qui l'ont suivie ont, bien sûr, été des années de souffrance et de peur qui ont marqué la vie d'Ana, c'est l'arrivée de son beau-frère Antonio qui va s'installer dans son foyer à sa sortie de prison et celle d'Isabel qui va devenir la femme d'Antonio qui remet tout en cause en salissant le regain de vie qu'Ana et Tomas son mari étaient fiers d'avoir réussi à durement regagner.

« Sans savoir pourquoi, voilà que j'ai commencé à te parler d'elle et qu'à la fin je te parle de la mort : d'avant et d'après son arrivée, comme si sa présence avait été une charnière entre deux parties. Peut-être seulement parce que la mémoire me revient en parlant, une mémoire malade et sans espoir. » p 20

La voix déchirante d'Ana, inoubliable, habite ce beau livre, une voix qui reste toutefois douce, celle d'une femme qui veut raconter à son fils tout ce qu'elle a traversé et qui l'a amenée à ce qu'elle est.
« La souffrance ne nous avait rien appris
(…) Je me suis levée et je suis allée m'asseoir sur la chaise qui se trouvait devant la fenêtre, sur laquelle je m'asseyais souvent l'après-midi pour coudre.
J'ai eu la sensation que chacun des points que j'avais faits assise sur cette chaise n'avait servi qu'à tisser un filet qui maintenant m'étouffait. Tant d'heures perdues dans le seul but de nous en sortir »

Sentant sa fin proche, elle voudrait aussi qu'il parvienne à la comprendre, qu'il mesure ce qu'a été sa vie et celle de son père car l'Espagne change. Elle souffre de voir que sa famille, dont son fils, veut lui faire vendre sa maison pour l'abattre et spéculer en construisant un immeuble sur le terrain. le fils fait partie de la génération qui n'a aucun souvenir de la guerre et va profiter sans scrupule du développement économique.... Ana et son monde vont être balayé.

« Je pensais aussi, que, dès que les choses sont passées, elles cessent d'être vérité ou mensonge et ne sont plus que des restes confus à la merci de la mémoire. Il n'y avait rien à sauvegarder. le temps détruisait toutes choses, les transformait en poussière, puis le vent soufflait et emportait cette poussière. »

Ana dit à son fils que « La belle écriture c'est le déguisement des mensonges ». Oui pour celle d'Isabel dans le journal qu'elle tient dont elle lit parfois des extraits à Ana. Mais pas la sienne qui est aussi celle de l'auteur qui a su magnifiquement faire s'exprimer toute la sensibilité et la dignité bafouées d'Ana.
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