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Critique de HordeDuContrevent


J'ai la sensation que ce livre est contenu dans cet extrait : « Embrasser, c'est exactement ça, j'ai poursuivi. C'est tenir en même temps ce qui est proche et ce qui est lointain. C'est ça, embrasser. » Il y a mille et une façons d'embrasser. En tourbillon, en aller et retour, en effleurant les lèvres tout en plongeant dans les yeux de son partenaire, de façon pudique, de façon contemplative et méditative, de manière intense comme si notre vie en dépendait…d'ailleurs la première scène est un baiser, un baiser métaphorique, Ernesto tournant autour du musée de la mémoire de Santiago, inlassablement, pour à la fois être proche de son fantôme contenu à l'intérieur de ce musée et en même temps pour essayer de comprendre, de prendre du recul…Tourner autour...S'en approcher, s'en éloigner…

Embrasser un paysage, embrasser un fait, embrasser un événement, embrasser une personne, avec ce mélange magique à la fois d'intimité et de pudeur, tel est à mes yeux l'objet de ce livre poétique et délicat. En effet, à sa lecture, nous embrassons les magnifiques paysages de Santiago, de Valparaiso, de l'île aux morts, de Quidico souvent en surplomb, à la fois avec proximité et recul, les observer dans leur immensité pour mieux regarder à l'intérieur de soi ; nous embrassons les constellations qu'observe Ernesto à l'aide de son télescope, constellations à la fois si proches, dont l'intimité donne des noms étonnants (la nébuleuse de la Tarentule par exemple), et en réalité si lointaines ; nous embrassons les secrets et les failles qu'ont vécu Ernesto et Ema lors de la dictature chilienne de Pinochet, nous comprenons l'horreur de ces faits immédiatement et pourtant un voile de pudeur y est déposé. C'est présent tout en étant accepté avec distance, c'est là sans aucun détail superflu. Juste évoqué et pourtant, nous le sentons, terriblement lourds. Ernesto et Ema qui se rapprochent, se fuient, et finissent par s'embrasser. Telle une danse. le livre démarre et finit dans un tourbillon amoureux délicat. Deux boucles enchainées, l'une prenant le relais de l'autre.

Ce livre est la rencontre à Santiago, au musée de la mémoire, entre un homme, Ernesto, qui vit avec Crabe et le bon vieux Walter dans son modeste observatoire à Quidico, en territoire Mapuche. Crabe et Walter, à savoir son chat et son télescope. Et Ema, jeune femme à la mystérieuse fossette. Cette rencontre me fait penser aux astres qu'observe Ernesto, ces astres éloignés qui, parfois, rarement, par le fruit du hasard, se percutent. Se rapprochent et s'éloignent, se rapprochent de nouveau. Deux êtres en souffrance, blessures soignées l'un par l'observation des étoiles, l'autre par la danse. Soignées par les tourbillons.

Ce que j'ai particulièrement aimé dans ce livre est l'écriture épurée, poétique, cette façon élégante de relater les événements avec pudeur, presque l'air de rien alors que nous le sentons : sous ces apparences calmes se cachent de profondes douleurs. Ça crie, en silence et en retenue. Je retrouve cette délicatesse avec les livres asiatiques, japonais particulièrement. Oui, ce livre semble avoir été écrit par un japonais. Un japonais dans la torpeur chilienne. C'est un beau récit qui nous parle d'amour, de résilience. Je ressors de cette lecture éblouie.


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