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Critique de Lucilou


Me voilà un peu embêtée au moment de rédiger ce biller sur "Les Tripodes"... Parce qu'intrinsèquement, objectivement, cette trilogie pensée et écrite dans les années 60 par le britannique John Christopher est pleine de qualités et mérite sa place dans le club des classiques SF de la littérature jeunesse. Il est regrettable d'ailleurs qu'elle soit si méconnue aujourd'hui.
Toutefois -et c'est ce qui me turlupine-, je n'ai pas retrouvé lors de ma toute récente relecture ce qui m'avait tant éblouie autrefois et du coup, me voici fort déçue et un peu triste… Je les ai trouvées très "jeunesse" ces Tripodes et l'univers proposé manque de profondeur alors qu'il est tellement plein de promesses… A la déception et la tristesse s'ajoute la frustration et vraiment, ça m'ennuie…
Retour en arrière: je suis en cinquième et je passe tout mon temps libre au CDI de mon collège par amour des livres et parce que le documentaliste qui officie là est sans doute l'un des meilleurs enseignants au monde. Si, si. Monsieur R. est profondément humain, bienveillant et il a compris avant tout le monde ou presque ma boulimie de lecture. Cet homme, à qui je dois ma vocation et que je cite quand on me parle de mentor ou d'exemple (un peu comme D Artagnan parlerait d'Athos, vous voyez?) s'acharne donc à avoir toujours sous la main des romans dont il pense que je les aimerais. Un jour, il me prête "Les Montagnes Blanches", premier tome de la trilogie des Tripodes. C'est l'édition un peu ancienne, les volumes de l'école des loisirs où sur le fond blanc se découpent le titre de l'ouvrage en noir et le nom de l'auteur en bleu. J'ai beau être un peu dubitative (en ce temps-là déjà je me sentais peu d'accointance avec la science-fiction à laquelle je préférais à tout casser les romans historiques ou d'aventures et la fantasy), je me plonge dans ce drôle de bouquin aussitôt à la maison (au détriment sans doute d'exercices de maths ou de physique-chimie!) et c'est le coup de coeur. J'adore et ce qui me plait dans "Les Montagnes Blanches" en sus de tout le reste, c'est le mystère qui nimbe l'intrigue et le monde dans lequel évolue Will, les questions sans réponse et cette atmosphère un peu lourde. J'ai dévoré "Les Montagnes Blanches" puis "La Cité d'or et de plomb" en boulimique. En revanche, je ne crois pas avoir lu le dernier tome, qui n'était peut-être pas au cdi.
Des années après, je me souviens très peu du détail de l'intrigue mais je me rappelle ce sentiment de fascination, de ce titre, de ces "Tripodes" dont le nom pourrait être celui d'un insecte.
D'autres années plus tard (!), dans le cadre d'un projet génialissime ("jeunes en librairie"), j'emmène mes élèves découvrir une librairie tout aussi génialissime et tandis qu'ils explorent les rayonnages, je tombe sur elles, les tripodes de mon enfance dans une toute nouvelle édition qui regroupe toute la trilogie en un seul (beau) volume. Ni une, ni deux, je saute sur l'occasion et trépigne d'impatience à l'idée de redécouvrir l'univers de John Christopher. C'est reparti pour "Les Tripodes".
Dans ce qui ressemble à un monde post-apocalyptique privé de toute technologie et dont le fonctionnement et le mode de vie empruntent singulièrement au Moyen-Age, les hommes mènent pour la plupart une vie simple et de labeur, une vie d'apparence sereine mais qui recèle pourtant sa part d'ombre. En effet, ces derniers ne sont que des serfs qui se doivent de servir les Tripodes, d'étranges créatures dont nul ne sait vraiment qui elles sont. Chaque individu de la communauté passe son enfance à attendre la Cérémonie. Ce jour-là est un jour de liesse pour les villes et les villages où danses et banquets sont organisés et où les adolescents entre officiellement dans l'âge adulte. A l'issue de la fête, en effet, les Tripodes arrivent et les emportent. Ils ne les gardent pas longtemps, non, juste le temps de les "coiffer" de la Résille d'argent, symbole de leur appartenance au monde adulte, au monde tout court tel qu'il semble avoir été pensé depuis toujours. La Cérémonie est un moment attendu, désiré, un moment pour lequel se préparent tous les jeunes gens, filles et garçons.
Mais pas Will. Will Parker, sans trop savoir pourquoi ou comment, se tourmente et doute. Au fil des jours, il questionne de plus en plus douloureusement et lucidement le monde qui l'entoure, ces adultes heureux d'obéir aux Tripodes et qui, eux, ne se posent aucune question.
Et puis, il y a le Vagabond qui un jour lui apprend l'existences des non-Coiffées, des rebelles qui occupent les Montagnes Blanches. Pour Will, c'est la révélation: il doit fuir pour échapper à la Cérémonie et trouver les réponses à toutes ses interrogations. Fuir, à ses risques et périls.
Tel est le point de départ de cette trilogie somme toute assez classique dans sa construction. On retrouve un héros jeune et inexpérimenté lancé dans une aventure qui le dépasse mais qui va constituer sa seule vraie initiation, reflet inversé de la Cérémonie qu'il fuit, flanqué de compagnons de voyage relativement attachants et bien construits (mention spéciale à Beanpole!); des antagonistes complexes et inquiétants; des péripéties qui tiennent en haleine et surtout un univers riche, pertinent, très original, d'une modernité indéniable et dont le mystère confine à la fascination. La plume est alerte, fluide et les thèmes abordés par l'oeuvre sont particulièrement pointus: la liberté et le libre-arbitre, la fraternité, le sens politique et, d'une certaine manière, l'engagement et la conscience politique justement.
Tout cela est éminemment positif me direz-vous, et pourtant il a fallu que le bât blesse... à cause de mon regard d'adulte essentiellement.
En effet, cet univers qui fait la richesse de la trilogie, qui constitue clairement son point fort est finalement peu développé et beaucoup de questions restent en suspend quand les explications données ne sont pas tout simplement frustrantes en elles-mêmes car trop peu creusées et approfondies. Je déteste être tenue en haleine, appâtée comme un poisson par l'hameçon pour ne pas être suffisamment nourrie à l'arrivée… Par ailleurs, j'ai trouvé que les péripéties s'enchaînaient trop vite, trop simplement (et certaines ellipses paraissent, à cet égard, bien malheureuses) et que les personnages (les "bons" en particulier) étaient tout de même un peu monolithiques... Par rapport à l'originalité et ce que pourrait être la profondeur de l'univers proposé, cela créé presque une dissonance.
Peut-être que je n'aurai pas dû le relire.
Peut-être aussi que ces défauts ne sont pas si graves (et objectivement, ils ne le sont pas) dans la mesure où "Les Tripodes" sont destinés à un lectorat adolescent et que je n'en suis plus une depuis longtemps.
Mais quand même, ce que manque de profondeur peut me chagriner… Un tel univers, bon sang mais quel gâchis!











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