Corps de ferme

Corps de ferme a pour théâtre une petite exploitation familiale, les acteurs sont ceux qui s'en nourrissent mais aussi ceux qui régulièrement constituent la nourriture : un couple de fermier, deux fils…, une stagiaire, des vaches laitières, leurs veaux, des cochons, des chiens pour la chasse, des chats pour les souris, des pies voleuses…Autant dire l'importance du corps , de la chair, de la sensorialité aiguisée et explorée à travers les points de vue des animaux. L'autrice qui est aussi photographe, scanne avec justesse les discours et les caractères différents ; elle donne la voix du off de la ferme et vient contrarier l'idée que prétendument dénués de pensées, les animaux n'auraient pas de point de vue sur nous, qu'ils ne nous observeraient pas. Dans l'ordre très établi de la ferme, pour ceux qui ont en bas de l'échelle, Il y a quelque chose de christique dans leur sacrifice, ils connaissent tristesse, défiance et parfois la colère mais la haine est absente, le pardon au bout du processus. La chute est extraordinairement poignante.
L'autrice jongle avec maîtrise dans cette juxtaposition du brutal et du tendre, elle nous donne à réfléchir sur un problème très actuel, quoique ancien, du rapport de domination des hommes sur la nature, de la hiérarchisation des êtres. Voici un roman qui va résonner longtemps chez le lecteur.