AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Presence


Ce tome est le deuxième d'une série débutée en 2013, prépubliée dans le magazine Weekly Young Magazine. Il s'agit d'un manga en noir & blanc, écrit, dessiné et encré par le collectif Clamp, composé de Nanase Ōkawa, Mokona, Tsubaki Nekoi et Satsuki Igarashi. Il faut avoir lu le premier tome avant pour comprendre de quelle manière Kimihiro Watanuki se trouve déstabilisé. Il apparaît également qu'il est nécessaire d'avoir lu la série originale xxxHolic pour comprendre l'enjeu de la trame de fond.

La première séquence se déroule en pleine moiteur de l'été japonais. Yûko Ichihara se plaint avec véhémence de la chaleur. Maru et Moro aident Watanuki à plier les draps pour les rentrer. Il survient un orage d'été aussi soudain que bref, à la fin duquel apparaît une jeune fille à l'allure générale évoquant celle d'un papillon, que Yûko appelle le Moineau de nuit. Elle vient demander l'aide de Dômeki et Watanuki pour une tierce personne. Ils partent pour un étrange voyage.

Dans la deuxième partie de ce recueil, Dômeki et Watanuki voient arriver une dame âgée au temple Shinto de Dômeki, en cherchant une boîte à offrandes pour y mettre 3 pièces de 100 yens. Un peu plus tard, ils assistent à un échange de 3 pièces de 100 yens entre 2 lycéennes. Watanuki s'alarme devant cette pratique qu'il estime être une chaîne propice à susciter un maléfice.

Le premier tome permettait de retrouver les personnages de la série initiale xxxHolic, par le biais de 2 clientes, et d'un détour par un appartement vide avec un bel écran télévision. Il laissait un goût un peu étrange du fait de retrouvailles émouvantes, mais aussi d'une continuité peu claire avec la série initiale. Par contre l'aspect visuel était toujours aussi enchanteur, avec les Clamp en pleine forme. le lecteur ainsi accroché revient pour le deuxième avec 2 types de clients différents. Dans la première partie, il s'agit d'une nouvelle cliente de type surnaturel comme il y en avait eu dans la série précédente.

Comme d'habitude, le tome s'ouvre avec 4 pages couleurs, dont un dessin en double page représentant Yûko et Watanuki dans 2 magnifiques kimonos accordés avec un splendide motif floral, et des points de lumière. Il y a également 5 dessins pleine page en ouverture des chapitres, à nouveau des compositions superbes mettant en valeur Yûko, Dômeki & Watanuki, et le Moineau de nuit. le lecteur y retrouve cet art de la composition mêlant dessins débarrassés du superflu pour les personnages (quelques traits suffisent pour définir le visage de Dômeki ou celui de Watanuki), avec des drapés complexes pour les vêtements, et des fleurs ou volutes pour faire apparaître la dimension spirituelle du personnage.

Après la reprise de contact du premier tome, le lecteur espère que l'aspect visuel se maintiendra à un bon niveau, et même que certaines pages apporteront des images inattendues. Il est comblé avec ce deuxième tome, nettement supérieur au premier. La première partie s'y prête puisque c'est un personnage surnaturel qui arrive à la boutique où l'on exauce les voeux. L'apparence du Moineau de nuit est magnifique, mariant un côté enfantin (une espièglerie malicieuse de la part des artistes) à une dimension féérique, avec une petite touche de culture japonaise (les surprenantes semelles en bois).

Une fois leur voyage terminé (avec une certaine forme d'économie de moyens visuels, mais une narration visuelle qui fonctionne), ils se retrouvent face à l'entité surnaturelle à aider, magnifique et majestueuse, avec un dévoilement original et inattendu, ainsi qu'une forme finale majestueuse et poétique (avec des ailes végétariennes que les Clamp arrivent à rendre visuellement cohérentes). À la fin de cette première partie, le lecteur constate qu'elle reposait essentiellement sur des dialogues, et que pourtant la partie visuelle ne se limitait pas à une suite de têtes avec des phylactères, alternant avec des personnages en pied. En la reparcourant après la lecture, il revoie les petits détails tels que le plateau à whisky ou encore le bento préparé par Watanuki.

La deuxième partie ne dispose pas de ces éléments surnaturels flamboyants ou exotiques pour impressionner le lecteur puisqu'il tourne plus atour d'un geste anodin qui consiste à s'échanger 3 pièces de faible valeur faciale. À nouveau, c'est une intrigue qui repose plus sur les dialogues que sur des scènes d'action. À nouveau les Clamp savent rendre cette partie vivante et visuellement intéressante. le lecteur peut laisser son regard s'arrêter sur un détail : le plateau de service à thé apporté par Dômeki (une fois n'est pas coutume, c'est lui qui fait le service), la façade de la boutique de Yûko, la forme impeccable des cadeaux du Moineau de nuit et de son époux, les robes de Yûko, la coiffure toujours aussi improbable d'Himawari, les regards en coin des lycéennes, ou encore le vol d'un oiseau particulier. Alors que tout est question d'atmosphère, les dessins épurés souvent privés d'arrière-plan installent un malaise ressenti qui donne du poids aux interventions et explications de Watanuki.

La première partie (environ le tiers du tome) reprend donc l'un des schémas narratifs de la série précédente, une intervention de Dômeki et Watanuki pour résoudre le problème rencontré par une créature surnaturelle. Les Clamp n'y vont pas avec le dos de la cuillère puisqu'ils voyagent dans la réalité de cette créature et qu'il s'agit d'évoquer l'animisme shinto. Il s'agit d'établir un constat nostalgique d'une époque révolue, l'un des personnages le formulant de manière explicite "L'époque n'est plus à l'animisme". Il s'agit d'un constat factuel, une forme d'évidence, mais formulé par une créature qui constate ainsi qu'elle n'a plus lieu d'être, qu'elle est obsolète. Les auteures font ainsi usage d'une douce cruauté, assez terrible dans ce que c'est l'individu lui-même qui se retrouve contraint à faire état de son inutilité, de ce qu'il appartient à un passé révolu. Cette cruauté factuelle se trouve renforcée par l'absence d'avenir formulée "Lorsqu'une personne n'est plus nécessaire, on l'oublie et elle finit par disparaître". Il est impossible pour le lecteur de ne pas faire lien avec sa propre expérience quand il se retrouve dans une situation où il n'a rien à apporter, ou sa présence est indifférente aux autres personnes.

Le lecteur se retrouve dans un état d'esprit sous l'emprise d'un vague à l'âme diffus, une mélancolie du temps qui passe, des situations qui changent et des individus perdant de leur utilité, de leur pertinence. Avec ce ressenti, il aborde la deuxième partie qui repose sur une pratique banale, supposée avoir des conséquences dramatiques. Les Clamp font preuve d'un grand savoir-faire narratif, en donnant de la consistance à cette potentielle malédiction qu'aucun fait ne vient étayer, simplement par des regards et des phrases sentencieuses de Watanuki que Dômeki écoute gravement. Dans la mesure où il a déjà consenti une suspension de son incrédulité pour les éléments surnaturels, il n'a pas d'effort supplémentaire à effectuer pour accepter l'éventualité de cette malédiction, et c'est tout naturellement qu'il en vient à la craindre, à redouter sa manifestation concrète, alors que rien n'est montré dans les images. Tout tient aux dires de Watanuki, et à la confirmation par Yûko, un bel exercice d'équilibrisme narratif. Les auteures poussent peut-être le bouchon un peu trop loin quand elles commencent à évoquer une sorte de sixième sens atavique avec lequel les citadins auraient perdu leur connexion.

Le lecteur retrouve également cette forme de comique de répétition pas forcément convaincant dans lequel Watanuki surjoue son irritation vis-à-vis le plus souvent de Dômeki, mais parfois aussi de Yûko. Dans un mouvement de clin d'oeil au lecteur, cette dernière lui fait observer que "Tu me coupes la parole de plus en plus souvent. Ça peut être un effet de style, mais tu devrais laisser le temps au public de respirer entre 2 gags, sinon tu risques de lasser tes spectateurs". Il constate également avec plaisir et curiosité que les auteures fournissent quelques indices supplémentaires sur la situation de Watanuki, par rapport à la fin de la série précédente. À nouveau il est fait allusion à 2 reprises à un choix qu'il doit faire, et auquel Dômeki et Yûko se soumettront, introduisant une dimension ludique au récit, le lecteur essayant de deviner le sens de ces remarques pour reconstituer le puzzle avec la série précédente.

Après un premier tome de retrouvailles, les Clamp développent leur intrigue sous-jacente (la situation réelle de Watanuki) par petites touches, tout en présentant de nouveaux clients. le lecteur est à la fête avec des entités surnaturelles originales, des remarques philosophiques aussi évidentes que charger d'émotion, sans tomber dans des truismes, servies par des dessins magnifiques et une narration visuelle aussi élégante que charmeuse.
Commenter  J’apprécie          50



Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}