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Critique de kwistax


On m'a tellement parlé de cet album que je me suis décidé à donner mon avis après lecture:

L'idée qui sert d'architecture au récit est intéressante, mais c'est une fausse bonne idée. Elle repose non seulement sur un présupposé qui flirte avec le surnaturel - quand le récit inscrit sa morale dans un contexte très réaliste (celui d'une part des controverses philosophiques de la Grèce antique, celui d'autre part de la seconde guerre mondiale), mais aussi son principe même ne convainc pas une seconde.

L'idée, c'est que notre histoire et chacun des évènements significatifs qui la composent aurait été écrit, planifié et organisé par une synarchie internationale qui, à la suite d'une fantaisie intellectuelle de philosophes grecs de l'antiquité, tirerait les ficelles de l'avenir dans l'ombre pour en tirer profit d'une manière ou d'une autre.

Le surnaturel de l'affaire, c'est d'abord qu'aucun philosophe grec du 4ème siècle ACN n'aurait même pu envisager le nombre de nations dans le monde susceptibles de prendre part aux affaires internationales au cours des temps, ni à leur époque, ni aux époques futures. Ne pouvant par exemple même concevoir l'existence du continent américain, il n'aurait pas pu imaginer l'intervention américaine au cours de la guerre. En vérité, 10000 choses lui échappe, ce qui diminue très fort le pouvoir démiurgique que l'auteur donne à ce groupe de philosophes émérites.

L'autre aspect surnaturel, et donc invraisemblable, qui me gêne très fort, c'est qu'en réalité, rien n'est écrit, tout est imaginé, et tout reste à faire. Ce qui est très différent. Car cela signifie qu'il faudrait admettre, tout au long de l'histoire, la possibilité de groupes de pression coalisés, énormes, hyper influents et hyper riches, doués de pouvoir quasi magiques capables de circonvenir toutes les embûches, toutes les résistances pour "coller" au scénario écrit dans l'antiquité. Et même pour coller au scénario quasi en temps réel! Car, à partir d'un moment ou un événement est anticipé (car il a été imaginé ainsi et le but est d'en tirer parti), eh bien, inévitablement, on modifie les paramètres de la réalité, donc on se crée de nouvelles embûches qu'il faut à nouveau circonvenir, le rapport énergie/résultat est bien maigre: la vie n'est pas comme un jeu de domino, où il est prévisible qu'un domino renverse son voisin immédiat

Tout ça est proprement invraisemblable. Invraisemblable de considérer ce texte antique dont il est question comme une feuille de route qui prédirait l'avenir. Invraisemblable de penser que d'illustres philosophes soient persuadés de contribuer à éprouver la thèse du déterminisme quand ils seront tous si bien morts qu'il ne verront absolument rien des résultats de leur projet!

Ensuite, le principe "moral" mis en avant par l'assemblée de philosophes est très douteux. Il s'agirait de provoquer une apocalypse telle que l'humanité devrait naturellement changer et, dit l'auteur, sortir purifiée, libérée du rapport esclave/maître. En tout cas "mise au pied du mur", devant l'obligation de forger un autre modèle ou de disparaître. Mais, si tel est bien le discours de Clarke (car il reste des contradictions, et on ne sait au fond exactement ce que Xénophon désire) alors, rien n'est plus faux: les démocraties modernes sont nées à la fin du 18ème siècle, elles n'ont pas attendu la fin de la seconde guerre mondiale, et chaque siècle a enregistré ses progrès humanistes, chaque siècle compte ses innovations, ses libérations et ses émancipations. Par ailleurs, la fin de la deuxième guerre mondiale s'ouvre en vérité sur un projet éminemment pacifiste et humaniste: la communauté européenne. Il n'y a jamais de ruptures.

Le récit se perd en raccourcis, approximations et contradictions et le pompon revient à la fin alternative qui voit les amphores être inexplicablement redécouvertes, alors que le personnage principal, centenaire, qui les a découvertes avant 1940, est mourant. Qui les a replacées là, pourquoi, on ne le saura pas. L'autre fin est plus satisfaisante. C'est la seule qu'il aurait fallu garder. Ce concept ne se justifie pas du tout, c'est un truc très artificiel.

Un mot sur le dessin: très classique, un peu trop rapide et parfois bâclé, il est en tout cas efficace, mais il se contente d'illustrer le récit et il n'y a jamais de facteur "Wow!". Des personnages sans grande personnalité (le héros et le méchant se ressemblent étonnamment et sans la balafre du dernier, on pourrait les confondre). Himmler est bien, Goebbels trop vite brossé, manque de caractère (alors que le modèle original n'en manque pas). Les femmes sont.... bof bof.

Un point positif: c'est une BD qui a de l'ambition et qui fait réfléchir, ce n'est pas ce que j'appellerais une BD "grand public" comme un commentateur le dit dans ces pages. Un projet intéressant mais mal ficelé, malheureusement.
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