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Critique de rotko


rotko
15 novembre 2014

Nicolas Clément, sauf les fleurs, chez Buchet Chastel.

C'est une fillette qui parle directement au lecteur, comme dans un journal. Marthe raconte sa vie à la ferme, son affection pour sa mère et son frère cadet, la froideur et la brutalité du père. Au lecteur de découvrir par lui-même le drame qui sous-tend ce récit.

Car il s'agit d'un drame, exposé « classiquement », avec un préambule, pour une tragédie en 5 actes : ie les chapitres qui prennent chacun un titre :
« notre ferme », « Florent », «  L'adieu » etc.
A chaque chapitre (ou Acte) correspond un âge de Marthe, clausule de l'épisode : « j'ai 12 ans, 16ans » etc.

Sans doute reconnaît -elle dans son vécu, par cette organisation, ce qu'elle découvrira chez Eschyle, dès l'école primaire.

Le style est concis - et dense, comme l'action est intense : pas de subordonnées, mais des indépendantes brèves, juxtaposées, dont la sobriété s'éclaire souvent de confidences affectueuses, d'élans d'amour - ou de haine.

«Je l'embrasse avec mes mains, il me caresse avec sa bouche,[…] Nous fumons des Dunhill, nous brisons des glaçons sur nos ventres, nous lapons la fièvre faite hiver. Je l'aime ours, je l'aime un peu polaire, des yeux de course en lignes blanches, un sexe qui fait le vide en moi et me joue comme il faut. Je ferme les yeux. Il entre par ma porte. Je pense à Maman qui dort seule. Je donnerais toute ma vie pour avoir une vie. »

Car l'auteur soigne la langue, celle qui révèle les personnes : les phrases courtes du père, porteuses d' « ordres et martinets », les demandes des animaux ( le chien, la vache), si souvent empathiques dans le ferme, la langue de l'école, nourrie des livres que fréquentent respectivement l'institutrice et la narratrice, celle qui donne aux mots leur plein sens, dans le respect du dictionnaire…

Au point qu'à Baltimore, Marthe devient excellente dans la traduction des oeuvres grecques. C'est aussi la langue intérieure de Marthe, son monologue pour pensées personnelles, avec silences, et déclarations abruptes. Parfois un seul verbe, entre deux points.

« Disparaître. »

Le lecteur sera sensible aux métaphores, (le puits, le naufrage…), à une écriture concentrée qui vise au coeur comme à l'essentiel, pour dire un vécu violent, sans pathos. La jeune fille écrit pour elle, et pour un lecteur qui apprécie cette marque de confiance, et cette écriture poétique.

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