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Critique de Ogrimoire


Ce livre parle d'un adultère. Il n'est pas nécessaire de lire ce livre pour le savoir, puisque c'est ce qui est écrit sur la couverture. Mais parle-t-il, en réalité, de l'adultère de Linda ? Sincèrement, j'ai un doute.

Si on lit ce livre au premier degré – et c'est ce que l'on fait souvent -, certes, on peut s'arrêter là. le livre est agréable, la langue est belle. Mais qui est cette femme, pourquoi se jette-t-elle ainsi sur son ancien petit ami, pourquoi accepte-t-elle une relation qu'elle qualifie elle-même de « sordide » ensuite ? Cela n'a aucun sens.

Moi, j'ai lu ce livre comme une fable, et non comme un roman. Linda, son mari – connaissons-nous seulement son prénom ? Je ne crois pas ! -, Jacob : ces personnages n'ont pas d'importance, me semble-t-il. En revanche, pourquoi Paulo Coelho, qu'on peut probablement soupçonner de tout mais pas d'imprécision ou de légèreté quand il écrit, insisterait-il autant sur la question religieuse, si ce n'était un indice fort ? Et j'ose même m'aventurer jusqu'à suggérer que le choix du prénom Jacob pourrait être lourd de sens, si l'on considère le passage de l'échelle de Jacob, dans la Bible, qui rappelle le rôle de médiation entre le ciel et les hommes. Jacob, dans ce livre, serait-il le médiateur entre la Linda qui a renoncé à la spiritualité et celle qui se cherche, qui expérimente le vide, le « trou noir » d'une existence uniquement basée sur la marchandisation ?

Pour moi, l'adultère dont il est question ici, c'est celui que nous commettons – tous ? -, dans nos sociétés modernes, vis-à-vis de la vie. Nous acceptons de la tromper, de la nier, de l'oublier, alors même que nous l'aimons. Nous la trompons odieusement, en nous perdant dans une existence de surface, mesurée à l'aune de l'argent gagné ou dépensé, d'un confort matériel qui n'est qu'une auto-justification de nos efforts consacrés à perdre notre vie pour la gagner.

Et c'est ainsi que je comprend l'attitude de Linda : elle a accepté de renoncer à ses rêves, à son existence intérieure, à ce qui fait d'elle ce qu'elle est. Oh, certes, elle a tout ce confort moderne, mais elle en a perdu la dimension spirituelle. du coup, tout lui parait soudain sordide : les relations sexuelles qu'elle a – en général sur une impulsion, d'ailleurs – avec Jacob le sont, mais le reste de sa vie l'est également. Ses interrogations de grande bourgeoise, sa jalousie vis-à-vis de Marianne, sa tentative de la faire mettre en prison en cachant de la cocaïne dans son bureau : tout cela est sordide !

Le seul moment où elle parvient à s'élever, c'est quand elle accepte réellement de perdre le contrôle de sa vie. Dans la scène finale. Mais qui n'est évidemment pas qu'un saut en parapente. Et qui est une parabole, me semble-t-il, de ce qu'est la spiritualité.

Mention spéciale, en passant, pour un extrait qui semble n'avoir interpelé personne, alors qu'il est pourtant profondément politiquement incorrect, et, du coup, incroyablement signifiant. Même ici, où nombre de grands lecteurs laissent un peu d'eux-mêmes, personne ne semble signaler ce passage, qui est pourtant éminemment polémique. Comparer Calvin à Ben Laden, ça ne met la puce à l'oreille de personne ? Après un tel passage, vous pouvez continuer à penser que ce livre raconte l'histoire de Linda et de ses petites histoires de cul ? Je ne discute même pas de la pertinence de la comparaison – Calvin n'était pas un petit rigolo, il faut le reconnaître, mais tout de même !

Bref, si l'on prend ce livre comme une fable sur l'importance de ne pas évacuer la spiritualité au profit du matériel, dans nos sociétés financiarisées, les choses n'ont plus exactement le même sens. Et la question n'est plus de savoir si on est d'accord avec Linda ou pas, mais plutôt de se demander si, soi-même, on a su préserver ses valeurs et ses rêves…
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