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Critique de colka


colka
13 février 2022
En ces temps de peur et de stigmatisation de l'Etranger, de l'Autre, j'avais besoin de m'offrir un antidote littéraire et le roman de J.M Coetzee : En attendant les barbares m'a paru correspondre en tous points à ce que je cherchais.Dire que je suis déçue serait injuste mais au début de ma lecture ce roman m'a surprise et déroutée.
Cette fable dystopique nous emmène dans un Empire situé hors de l'espace et du temps, avec une omniprésence du militaire et de tout ce qui va avec : obéissance aveugle aux ordres, exactions commises auprès des populations indigènes, ces fameux "barbares" dont on se sait pas grand chose mais que la rumeur populaire présente comme menaçants. le décor est planté et dès le début du récit, on sait que si barbarie il y a, ce sera celle de l'homme civilisé contre les populations autochtones, celles qui vivent aux confins de cette ville de garnison dont on ne connaîtra jamais le nom.
Mais tout cela constitue - du moins à mes yeux - une toile de fond pour un récit plutôt centré sur un personnage, celui du narrateur, un magistrat vieillissant et fatigué, n'aspirant plus qu'au repos et la quiétude. Et c'est bien malgré lui qu'il va se trouver confronté à une situation qu'il ne pourra accepter au nom de ses valeurs. C'est un personnage complexe, à mi-chemin entre l'anti-héros et le héros tragique, qui au début du roman va se boucher les oreilles plutôt que d'entendre le cri des suppliciés. Sa lucidité désespérée n'a d'égale que le dégoût qu'il éprouve pour son propre corps vieillissant. Cette thématique du délitement, qu'il s'agisse du corps ou du paysage désertique qui entoure la ville est d'ailleurs omniprésente dans tout le première partie du récit duquel se dégage une ambiance délétère et oppressante qui n'est pas démentie par le caractère très répétitif de certaines scènes à l'érotisme éthéré entre le Magistrat et la jeune nomade qu'il a enlevée aux griffes de la soldatesque.
Heureusement que la deuxième partie change de tonalité et donne à voir aussi à travers la révolte du magistrat contre les tortionnaires que sont devenus les soldats, une autre facette du personnage : celle de son refus de la torture et des sévices infligés aux victimes. Là encore le corps est omniprésent et l'on suit le Magistrat devenu lui aussi ennemi et supplicié dans tout le long parcours qui va le faire passer du paroxysme de la douleur à sa domestication. J'ai beaucoup aimé certaines scènes très fortes où la plume de Coetzee s'envole, s'enflamme et cerne au plus près les ressentis et les émotions liés à la souffrance physique et morale.
Pour conclure, je dirais que même si cette thématique des difficultés liées à l'engagement personnel n'est pas celle à laquelle je m'attendais, j'ai été conquise par le traitement littéraire qu'en fait Coetzee. Mais j'aurais aimé qu'elle survienne plus rapidement et qu'elle prenne aussi plus vite le pas sur cette thématique du corps vieillissant en proie aux tourments d'une sexualité dans laquelle il ne se reconnaît plus.
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