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Critique de StCyr


Terres de crépuscule, premier opus de J.M. Coetzee, est un recueil de deux nouvelles mettant en scène deux personnages à la psyché singulière.

Dans le projet Vietnam, un employé de bureau psychorigide raconte son activité dans un service confidentiel ayant affaire avec la guerre psychologique. Sa narration, tissue de discours grandiloquents, emphatiques, dénotent chez le sujet un trouble certain, une forme de mégalomanie. Son auto-analyse constante, ce soliloque réfrigérant, dénué de toutes empathie pour son entourage, notamment sa femme, sa complaisance sadique et cynique à traiter des exactions américaines au Vietnam ne font que confirmer cette impression et l'on glisse lentement vers l'irrationnel.

Dans le récit de Jacobus Coetzee nous sommes transportés en d'autres lieux à l'époque de la colonisation de ce qui est l'Afrique du Sud actuelle, c'est à dire en 1760 sur les pas du personnage éponyme, explorateur vigoureux et chasseur d'éléphants. le texte est présenté comme une transcription de la narration écrite de ses voyages périlleux toujours plus au nord du pays encore à découvrir. le lecteur se demande si Jacobus a bel et bien existé, si c'est un lointain ancêtre de l'écrivain ou si tout ceci n'est qu'un procédé littéraire, une espiègle mystification. Là encore, on à affaire à un être déséquilibré, un boer rude, sanguin et plutôt obtus. Même boursouflure dans le langage, même narcissisme outré, absence similaire d'empathie sauf à quelques occasions, sympathie qui apparaît alors comme singulièrement incongrue. Les termes employés envers les hottentots et les bochimans leur dénient toute dignité humaine, ce sont des bêtes qu'on extermine tels des nuisibles, que l'on croise pour la reproduction, ils ont les qualités et les défauts des animaux sauvages du veld. Ainsi il est bien plus commode d'éradiquer cette engeance qui ne communie pas dans la paix du seigneur. Cependant malgré la narration de ses déboires au pays des Grands Namaquas et le récit de la deuxième expédition à des fins punitives, sanguinaires, la cruauté du personnage à un effet moins glaçant que la mégalomanie du personnage de la première nouvelle; on peut considérer que la violence et le racisme de Jacobus sont plutôt le fruit des idées et des conceptions d'une époque révolue, alors que l'employé de bureau est un homme de notre époque travaillant sur un sujet sensible pour la première puissance mondiale.


Pour son entrée dans le monde des lettres le lauréat du prix Nobel de littérature 2013 montre déjà l'étendu de son talent. Les sujets abordés sont traités de manières fort dérangeantes et le lecteur est partagé entre fascination et effroi.
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