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Critique de Soukiang


Rome, Gladiator, Spartacus ... des films et diverses séries ont contribué et inspiré une fascination grandissante du public pour cette partie essentielle de l'évolution du monde tel qu'on le connaît aujourd'hui, il ne pouvait en être autrement que de faire l'impasse sur ces périodes cruciales qui ont bouleversé à jamais le paysage et l'histoire de l'humanité, ne pas oublier certains des plus illustres ou marquants personnages, c'est le devoir des historiens à travers la littérature, dans la compulsion des archives ou sous le spectre de la fiction, ce premier tome intitulé Modus Operandi La secte du Serpent de Nathalie Cohen se voudra un mixage et le croisement de divers courants.

Quelques années après la création de l'Empire romain (27 av. J.C.), les empereurs se succèdent déjà en nombre, en l'an 54, Néron a tout juste 17 ans et vient à peine de succéder à son grand-oncle (et père adoptif), Claude.
C'est le début d'un règne qui sera placé sous le signe du sang et des scandales à répétition, ponctué par le grand incendie de Rome une dizaines d'année après son accession au trône.
Si Rome est bien la capitale de l'Empire, cette ville ne cesse de muter à travers différentes réformes dont l'urbanisation en est l'un des fers de lance, les collines majestueuses qui entourent le Palais impérial, le fameux Circus Maximus immortalisé par les courses de chars légendaires dans le film, Ben-Hur, ses nombreux thétres et autres temples dédiés aux différents Dieux célestes ou de la religion.
Entre faste et luxure, les classes sociales existaient déjà, Rome l'Antique, Rome l'Eternelle, Rome la ville érigée dans des matériaux à la merci des éléments naturels ou criminels, c'est aussi cet entre-deux, l'histoire de Marcus Tiberius Alexander dit le Grec ou Petit Grec est un peu l'équivalent du pompier de nuit actuel doublé d'un rôle de surveillant au bon respect de la loi couvre-feu en vigueur, les petits délits ou autres desagrements à circonscrire sont ses prérogatives et champs de bataille.
Ce qui n'aurait pu n'être que le journal de la routine d'un petit fonctionnaire dans une grande ville, jusqu'au jour où des morts suspects se dévoilent et menacent l'équilibre de tout l'édifice, ni plus ni moins ...

Forte de ses connaissances avec une agrégation en latin et grec, après avoir publié un essai sur la rencontre de divers mouvements religieux à travers les siècles pour comprendre ses propres racines, la place de la pensée philosophique et la culture européenne au 21ème siècle, l'auteure franchit le pas du thriller antique, c'est un peu la petite histoire dans la grande avec un H, écrite à la première personne pour s'immerger rapidement dès l'entame, il était important de situer le contexte chronologique et événementiel, l'évocation de plusieurs figures emblématiques d'une époque au carrefour de bouleversements majeurs, le style impose sa griffe dans une construction alternant intrigues multiples et respect des us et coutumes de l'époque, sans être un spécialiste de cette période à la fois complexe et fascinante, l'imagination permet de faire le reste, de créer cette émotion immuable à l'idée de croiser autant de personnalités fortes comme Néron le jeune empereur ou encore Sénèque qui deviendra l'un des plus grands philosophes que d'éprouver un plaisir certain et multiples, autant d'une lecture simple et foisonnante en apprenant une multitude de choses.

Quand l'érudition et la connaissance se libèrent à la portée de tout un chacun, il reste alors à tracer ce parcours tumultueux du protagoniste, la fougue de la jeunesse alliée au désir de connaître la vérité, une mission périlleuse dans une cité en proie déjà à ses vieux démons tels que Caligula ou les audaces folles d'un Spartacus qui a laissé une empreinte indélébile dans le coeur des habitants et pas toujours ceux du côté que l'on pourrait croire, dans toutes les instances de la ville assiégée, l'étude de l'architecture et de ses moeurs se révèlent passionnantes, ce n'est pas la légende du Minotaure évoluant dans le labyrinthe mais il est d'autres animaux qui n'ont rien à lui envier.
Notamment ceux qui maîtrisent l'art de la manipulation et des hautes trahisons, le mensonge et toutes les subtilités du langage.
Sans oublier l'ascendance considérable de l'influence des Dieux, de Jupiter en passant par Zeus et autre Apollon, tous sont évoqués et dans la destinée, qui vivra verra peut-être l'un des plus beaux couchers de soleil sous le crépuscule de Rome.

Un pur thriller donc et se permettant de déborder de ses contraintes pour accoucher d'un polar social et aux nombreuses thématiques universelles, aux prises d'une réalité étouffante dans son atmosphère sombre et lumineuse en toile de fond, le sort des esclaves n'est pas sans rappeler les laissez pour compte de la société moderne avec les immigrés ou les sans-papier, une justice à deux vitesses et la corruption massive de fonctionnaires de haut rang, l'appel du sang par la folie humaine et par tous les moyens possibles, la politique influente et grandissante d'arcanes du pouvoir illimité, les fameux privilèges, une société basée sur des fondations nouvelles après la fin de Républicaine romaine et l'édification des règles du nouvel empire, Rome est l'épicentre d'une renaissance avant l'heure avec tous les excès engendrés par la suffisance et la folie des grandeurs, il en faudra du courage au jeune Marcus Tiberius pour affronter, dans l'innocence d'un coeur pur, un avenir des plus incertains et troublés.

Du suspense maîtrisé au cordeau à la liberté de coller au plus près de l'authenticité du premier siècle de l'ère chrétienne, l'auteure n'oublie pas de donner du fil à retordre au lecteur entre des indices savamment distillés et cette ambiance entre deux feux, si l'on connaît rapidement les tenants et aboutissants de l'histoire avant la fin des hostilités, les rebondissements et révélations surprenantes sont suffisamment légion pour donner l'eau à la bouche, cette dernière partie prépare déjà la suite du terrain, le tome 2 de Modus Operandi que j'attends avec impatience !

Une très belle découverte pour un premier thriller atypique et ambitieux dans l'Antiquité, un narrateur énigmatique et attachant, des personnages secondaires acquérant tous une certaine dimension au fil des chapitres, j'ai adoré plonger et voyager dans cette Rome antique, me promener dans les ruelles et diverses inclinaisons romaines, les secrets sont peut-être cachés dans l'embouchure du Tibre ou au détour d'un lieu sépulcral ...

La belle couverture n'est pas sans rappeler, encore une fois, combien si l'être humain est assoiffé de vie, la mort rôde toujours !
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