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Critique de amuri59


Rosine est une femme parfaite : mignonne, sociable et avenante, compagne amoureuse, mère de deux magnifiques petites filles. Oui mais voilà, pour une simple réflexion, un drame s'invite dans sa salle de bain, un coup de folie, elle appuie sur la tête de ses filles et les noie. Boum, uppercut et pas que pour le lecteur. Pourquoi a-t-elle basculé vers l'horreur ? Un monstre a-t-il pris le dessus ? Voilà notamment deux questions que devra résoudre Clélia, enquêtrice de personnalité auprès des tribunaux.

Vous pensez que j'en ai trop dit en introduction : j'ai à peine dû dépasser la page 15 donc prenez une grande inspiration pour passer ces premières lignes en apnée car elles vont vous secouer.
Ceci étant dit, j'ai démarré ce livre en me disant qu'il avait tout pour me déplaire : connaître la meurtrière au bout de quelques lignes, ne pas avoir de chapitres et avoir des blocs de texte sans paragraphes, genre gros pavé indigeste. Et pourtant, quelle lecture j'ai passé !

Je vais commencer par l'enrobage : le style. Surprenant pour un lecteur qui a l'habitude de se poser entre chaque chapitre, ici rien. Un interligne par-ci par-là. Des dialogues utilisés avec parcimonie, souvent intérieurs. Des phrases ou mots en majuscule pour ponctuer une émotion qu'on ne sait contenir, comme un cri qui doit s'évacuer vite, très vite avant de retrouver un certain contrôle ; ou se persuader de l'obligation d'une action en serinant un verbe. Et le liseur au milieu qui retient son souffle, qui lève le doigt pour demander la permission de lâcher son livre quelques instants. Mais non parce que le bloc de texte suivant arrive, serré, hostile, parce qu'il faut décrire la scène dans l'urgence de sa globalité, parce qu'il faut retranscrire la célérité de l'enchaînement de la réflexion interne des personnages… Stop ! La cocotte minute va exploser ! du calme vite, du repos, mais comment le trouver face à la situation inimaginable et pourtant trop fréquente de l'infanticide.

L'autre point fort de l'ouvrage, ce sont les personnages. En commençant par la mère, Rosine, cette femme, extérieurement bien sous tout rapport et qui pourtant implose un soir lors du bain. Elle est pourtant heureuse et veut sans arrêt satisfaire son entourage, ne pas les décevoir. Aimer et être aimée plus qu'un leitmotiv, une façon de vivre. Elle adorait ses filles néanmoins elle a eu une manière toute particulière de leur prouver son amour. Coupable de mal aimer ? Pourquoi une femme ordinaire bascule dans ce drame ? Surtout qu'il faut 6 minutes pour noyer un enfant, 360 très longues secondes avec la main appuyée sur le crâne de l'enfant et cela répété à deux reprises. Un monstre, je suis un monstre, cette phrase comme un mantra pour cette mère qui ne s'explique pas son geste.
Et c'est là qu'intervient le protagoniste central de l'oeuvre : Clélia. Son rôle est d'aider la Justice, car « juger c'est comprendre », en brossant la personnalité de l'accusée. Un rôle particulier pour cette « médecin légiste des âmes » qui perçoit tout de suite que ce geste insensé cache quelque chose. Elle décide de ne suivre ni la meute, ni l'évidence d'une culpabilité avouée dès les premières secondes à la sortie de la salle de bain. Cela est dû à son caractère très particulier fluctuant entre têtu et empathique. Tête de lard grossière à ses heures, hyperactive, tête brulée qui ne respecte ni les conventions ni les procédures de l'institution à laquelle elle appartient. Clélia est aussi ingérable qu'attachante, la vie se consume dans ses veines. Passant du rire aux larmes, du pit bull au chaton en un clignement de cil. Intrépide mais parfois prostrée sur une chaise en silence, les yeux brillants quand on veut bien se donner la peine de lui prendre la main. Elle n'exerce pas une profession mais un sacerdoce car chaque enquête la touche et l'a fait descendre un peu plus profond dans les noirceurs de l'âme. le lecteur va donc suivre cette femme particulière dans sa quête du sens tantôt en prison, tantôt avec son entourage professionnel pour formuler des hypothèses et évidemment avec la famille et les amis de la justiciable. Elle n'aura de cesse que de s'offrir le choix car « le choix est une passerelle de liberté entre le rêve et l'action ». Gratter encore et toujours pour comprendre. Comprendre que ce crime n'est pas si ordinaire que cela.

J'ai adoré Clélia, ce petit bout de femme, à la silhouette ravageuse, à la carapace en titane mais au coeur de chamallow quand elle est sûre de son fait. Alors oui elle prend plus que des libertés avec la rectitude judiciaire et les juristes abordant ce livre seront offusqués. Mais j'espère sincèrement que des personnes de ce type hantent nos tribunaux pour leur humanité singulière et leur capacité à ne rien lâcher pour que la vérité surgisse car « la Justice n'est pourtant juste que lorsqu'elle considère l'individu et la singularité de ses actes ».
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