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Critique de EvlyneLeraut


Chatoyant, « Le naufragé » est olympien. L'incipit laisse le temps filer entre ses doigts « du jour où « La mère » a remplacé « Maman » j'ai appartenu à ce monde. » La trame est un papier de soie. A l'instar d'une dictée dont retient le gracile des courbes et la grammaticale générosité. Dans le jeu des 7 familles je demande le père « Jules », la mère, « La mère », et le fils (le narrateur) « Joseph ». L'histoire est du pain croustillant dont la saveur est un escompte hyperbolique du futur. Joseph conte l'habitus d'un temps qui se fissure. En bord de mer, dans cette orée de ballets de bateaux de pêche, carte postale qui prend vie et dont on aime ce qui se fige en nos mémoires. « Je revois ces instants comme s'ils venaient d'être vécus. Tout s'anime, et sent et bruisse. Je suis au-delà de la mémoire, debout, agrippé aux rebords du parc, la tête posée entre les deux mains. Je regarde. Je regarde sans rien penser. Je regarde le mouvement. » On se love dans les confidences, la lumière se lève peu à peu. On retient les gestes qui se posent et dont on ignorait les signaux avant de lire « Le naufragé ». Combien ils étaient grands parce que constants. Les sociologiques attitudes, le progrès qui s'immisce sur le seuil des portes subrepticement. Le père, Jules est un pêcheur. Un vrai. Celui qui part en pleine mer sans même savoir nager. « le père sur son canot, je ne l'ai longtemps vu que sortant du port, ou rentrant, toujours la même posture, la barre entre les jambes, le regard droit devant, immobile sauf le menton qui montait. » On aime son front haut, sa solidité et son altérité. Ce qui ne se dit pas, mais se devine dans cette ténacité à défier les difficultés d'une vie laborieuse et intense. La mère est un modèle d'attentions pour Jules. Soumise au roulement du foyer, donnant le torchon au père pour qu'il s'essuie les mains dans chacun des retours des glorieuses pêches. Un geste d'amour comme une caresse furtive et pudique. Un rituel qui murmure cette collaboration des instants qui se relient délicatement. Joseph va grandir. « Derrière la Mère, la soupe fumait sur le feu, les fenêtres sur la vie étaient ouvertes. A la fin de l'été, je serais ce que le Père était. » Jules va affronter les vents et les contre-courants. Changer son bateau, suivre les entrelacs de la modernité. Il va partir plusieurs jours en pleine mer, jusqu'au souffle d'une tempête assassine. Qu'elle sera-t-elle ? Joseph va vivre l'initiation et ses épreuves. Faire un pas de côté salvateur. Faire du noir et blanc, une source de couleur en devenir. Se fondre dans la contemporanéité. « Je découvris un autre monde. « C'est le monde » disait-il en guise de transition. » Ce roman est superbe. Solaire, magnétique, il déploie les habitus dont on veut le modèle pour soi-même. « Comment être nulle part quand la vie nous entoure ? Je suis ailleurs, et cet ailleurs me plaît. » Cristallin, on n'oublie pas l'échappée qui s'annonce. La transmutation d'un siècle en preuve existentialiste. L'emblème d'un Carpe Diem empreint d'essences. François Colcanap achève son roman en actant la certitude de l'authenticité. Un premier roman fois mille. Publié par les majeures Editions Slatkine & Cie.
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