Mon père aimait voir le monde heureux. C'était les seules fois où La Mère venait à bord.
" Avec toutes les pépés, faut qu'j'aie l’œil. "
Elle disait cela en riant mais, au fond, je crois qu'elle le pensait sérieusement. Le Père n'était pas un coureur, et La Mère le savait bien, mais le dire et être là, ça enlevait les mauvaises pensées !
( p 87)
Il faut le manque pour apprécier le besoin.
Le Père, dans la cour, c’était l’attente de ma journée. Je rangeais mes affaires, j’attendais que la porte s’ouvre. Voir Le Père, l’entendre me remplissait de ce qui peut s’appeler la joie. (…) Très tôt, j’ai eu l’ambition de ressembler au Père, de faire la pêche comme lui. Je ne dirais pas que j’étais heureux, ces mots ne voulaient rien dire. J’étais Joseph, le fils du Grand Jules, le fils de Maman, Maman que j’appellerais bientôt La Mère, et dont je n’ai su le vrai prénom qu’après sa mort. (…) Jamais de grandes phrases, mais une telle présence.
Vivre, c'est être où l'on est, pleinement, être qui on est, sans tricherie
J’aurais dû comprendre que vivre le présent, ce n’est pas sans cesse se souvenir, espérer un lendemain différent de l’instant qu’on vit. Vivre, c’est être où l’on est, pleinement, être qui ont est, sans tricherie. Mais Le Père ne pensait pas à tout ça. Le Père, c’était Le Père, le Grand Jules, le seul à avoir vu le canot d’Eugène qui allait se faire éperonner.