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Critique de Albertine22


Anne Collongues a écrit un roman à lire comme on écouterait une chorale. Les voix des personnages s'élèvent, parfois en solo, parfois intimement mêlées avec une grande virtuosité. Tantôt forte, tantôt mezzo-voce, les voix des sept passagers nous donnent à entendre une chanson souvent poignante dans ce RER quittant Paris, la nuit, pour une lointaine banlieue.

La première a monté dans la rame est Marie, une très jeune femme aux joues encore rondes de l'enfance. Elle s'est précipitée dans ce train comme si sa vie en dépendait. Elle fuit des pleurs de nourrisson, un homme qui s'éloigne, une vie qui a déjà le goût du regret. Les autres passagers ne voient d'elle que sa jeunesse et sa beauté, que la douceur de son visage endormi. Elle ne voit pas arriver Alain, un homme passionné par l'astronomie, qui a choisi de venir habiter Paris pour ne plus voir les étoiles. Ces fichues étoiles qui osent encore briller quand pour lui le monde s'est arrêté. Plongé dans sa grille de sudokus, il ne s'est pas rendu compte que Cigarette, une femme dans la quarantaine, une longue brindille qui semble préférer l'ombre à la lumière, les a rejoints.

le RER continue sa course et c'est au tour de Chérif de monter, "drapé" de sa panoplie de caillera , indispensable pour s'intégrer dans la cité. Il est inquiet, guette sans cesse un sms de Céline. Ce qu'ils ont fait risque de se payer cher. Laura arrive, l'allure chic et pleine d'assurance d'une chargée de communication, un vrai mensonge sur pattes.Elle s'est créée un personnage, par peur d'être jugée inintéressante, insignifiante. Liad, un jeune Isralien, débarqué le matin même de sa ville natale, la regarde, lui, avec admiration. Liad, c'est un peu le "Usbek" de Montesquieu. Il découvre la France par un froid soir d'hiver, au travers des passagers de ce RER. Il ne manque au choeur que Franck, la cinquantaine au bord de l'explosion, à la fois victime et bourreau, enlisé dans la routine, dérouté par la distance grandissante entre lui et sa famille.

le RER avance dans le noir et les sept personnages, rassemblés dans la rame, sont autant de solitudes qui se côtoient. le RER avance dans le noir et les personnages aussi. Pratiquement tous "patinent' dans leur existence et la chanson d'Anne Collongues a des accents de saudade...

Pas d'effets de style dans ce roman, mais une observation attentive de chaque personnage, une construction par petits détails qui nous fait pénétrer au rythme des stations qui défilent, dans l'intimité de ces silhouettes fatiguées que tout semble séparer.

Un beau roman choral





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