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Critique de Foxfire


Parmi les nombreuses qualités de Joseph Conrad j'admire tout particulièrement sa capacité à proposer en peu de pages des récits d'une densité et d'une richesse tout à fait remarquables. « le duel » en est une nouvelle preuve.

Ce court roman historique ne compte que 120 pages et pourtant il donne l'impression de lire une saga d'une grande ampleur. L'intrigue s'étale sur près d'une vingtaine d'années, et qui plus est à une période assez charnière de l'Histoire. En effet, le début du roman prend place dans les premières années de l'Empire tandis qu'à la fin du récit l'Empereur est tombé, c'est la Restauration. Deux soldats de l'armée impériale combattent en duel pour un motif futile. Au cours des années qui suivront, au gré de leurs promotions et des aléas de l'Histoire, ils se retrouveront régulièrement pour reprendre ce duel qui ne semble pas vouloir désigner de vainqueur. Cet étalement dans le temps contribue beaucoup à cette impression d'ampleur du récit. le contexte de leurs rencontres sera bien différent à chaque fois, selon que l'armée est victorieuse ou non, selon le régime en place, mais les personnages resteront les mêmes jusqu'au bout. D'Hubert et Feraud s'opposent radicalement, tant par leur origine sociale, aristocratique pour l'un, issu du peuple pour l'autre, que par leur tempérament, D'Hubert est réfléchi et réservé tandis que Féraud est sanguin et excessif. L'un et l'autre sont attachants et il est bien difficile pour le lecteur de choisir son favori même si Conrad adopte plutôt le point de vue de D'Hubert. le récit de cette querelle au long cours est passionnant de bout en bout. J'attendais chaque nouvelle rencontre avec impatience. L'argument de départ est pourtant risqué. Impossible d'éviter la répétition sur un tel sujet qui joue justement sur la récurrence d'un motif tout au long du récit. Pourtant, Conrad réussit à ne jamais sembler se répéter, il parvient à proposer des variations autour de ce motif central qui renouvèlent à chaque fois l'intrigue, lui conférant même un suspense certain.
Le fait que les personnages n'évoluent pas tellement dans leur psychologie n'affecte en rien le plaisir de les suivre. Ni D'Hubert, ni Feraud n'a réellement d'arc narratif, ces deux personnages sont plutôt des archétypes vivants permettant à l'auteur d'évoquer une dualité de classes, aspect que j'ai trouvé très intéressant.
Au-delà du divertissement très agréable, « le duel » est aussi un formidable roman historique. La reconstitution est très immersive, on sent que l'auteur s'est documenté et surtout on perçoit combien cette époque le fascinait. On croirait marcher ans la boue ou la neuge aux côtés de la Grande Armée tant Conrad sait dessiner des tableaux vivants et évocateurs en quelques lignes.

Après cette très belle lecture, j'ai très envie de visionner le film qu'en avait tiré Ridley Scott. Et bien entendu, je compte bien lire encore et encore d'autres oeuvres de Conrad.
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