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Michel Desforges (Éditeur scientifique)
EAN : 9782869307025
152 pages
Payot et Rivages (02/10/1993)
4.02/5   76 notes
Résumé :
Cette affaire absurde allait ruiner sa réputation de jeune officier sensé, bien élevé et plein d'avenir. Elle nuirait en tout cas à son avancement immédiat, et lui coûterait la bienveillance de son général. Ces préoccupations d'ordre matériel étaient sans aucun doute déplacées étant donné la solennité de l'instant. Un duel, considéré comme une cérémonie du culte de l'honneur ou même réduit en son essence morale à une forme de jeu viril, requiert une parfaite unicité... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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En garde !
Les nouvelles sont tellement mauvaises qu'il est important d'en lire quelques-unes de bonnes en ce moment.
Bonnes nouvelles pour le lecteur mais pas forcément pour les deux belligérants du récit, les officiers hussards Féraud et D Hubert qui occupent les quelques permissions accordées pendant les guerres Napoléoniennes à se défier dans des duels. Leurs escarmouches vont même aller au-delà puisqu'elles vont durer presque vingt ans. Pas de Restauration dans les relations.
L'origine futile de la querelle relève presque du vol de goûter dans une cour d'école mais elle va participer à la construction de la légende des deux militaires. Féraud, rude et rustre gascon se vexe d'être dérangé dans un salon par l'élégant bourgeois D'Hubert, mandaté par sa hiérarchie pour le consigner chez lui suite à un duel trop sanglant contre un fils de famille. Il ne s'agit donc pas de laver sans adoucissant l'honneur d'un mari trompé et on est bien loin d'une vengeance à la Edmond Dantès. Mais rien ne peut plus arrêter l'engrenage de ces multiples confrontations.
Les carrières prestigieuses des deux hommes évoluent grâce à leur bravoure sur les champs de bataille mais leur animosité ne faiblit pas et chaque rencontre constitue une occasion pour s'affronter à l'épée, au pistolet, au sabre laser (non, là je m'emballe), enfin tout ce qui leur tombe sous la main, à pied ou à cheval.
Conrad s'inspira à priori d'une histoire vraie pour décrire cette histoire d'honneur, d'amour- propre et de testostérone dont D Hubert mesure l'absurdité mais qu'il ne peut faire cesser de peur de ruiner ses ambitions et sa réputation. Féraud, aux origines populaires, trouve dans le duel un prestige qui lui permet de s'en prendre aux « bien nés ». Il s'agit aussi d'un duel de classe et Féraud chasse les galons pour se tenir au niveau de son adversaire car les duels n'étaient tolérés qu'à grade égal.
Duel et littérature font bon ménage puisque nos plus grands auteurs s'y sont risqués : Victor Hugo et Alexandre Dumas par exemple. Certains poètes y ont même laissé la vie comme Alexandre Pouchkine. Pas étonnant donc que tant de romans célèbres intègrent de ces moments si romanesques et inoubliables. Valmont, Rodrigue, Hamlet, D'Artagnan, Dantès, Georges Duroy, Eugène Onéguine et tant d'autres nous ont joué le coup du face à face à potron minet à l'orée d'un bois, dans le brouillard et en jaquette blanche. Et à chaque fois, je marche, je compte les pas avec les témoins et j'attends fébrilement le verdict des armes. Un vrai gamin.
La pratique est heureusement passée de mode (le dernier duel connu opposa Gaston Deferre à René Ribière en 1967) mais avouons que cela nécessitait quand même un peu plus de courage que les tweets injurieux et anonyme.
Il y a autant de panache dans cette histoire publiée en 1908 que dans l'écriture de Conrad. Il ne masque en rien le côté absurde de cette aventure mais on se prend peu à peu d'affectation pour des personnages aux premiers abords pourtant bornés et arrogants.
Je n'avais par contre pas gardé un souvenir impérissable du film « les duellistes » de Ridley Scott tiré de cette nouvelle, en dehors de la performance d'Harvey Keitel.
Ce n'est pas l'oeuvre la plus connue de Joseph Conrad mais elle mérite de faire sonner le réveil à l'aube pour assister à ces duels.

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Parmi les nombreuses qualités de Joseph Conrad j'admire tout particulièrement sa capacité à proposer en peu de pages des récits d'une densité et d'une richesse tout à fait remarquables. « le duel » en est une nouvelle preuve.

Ce court roman historique ne compte que 120 pages et pourtant il donne l'impression de lire une saga d'une grande ampleur. L'intrigue s'étale sur près d'une vingtaine d'années, et qui plus est à une période assez charnière de l'Histoire. En effet, le début du roman prend place dans les premières années de l'Empire tandis qu'à la fin du récit l'Empereur est tombé, c'est la Restauration. Deux soldats de l'armée impériale combattent en duel pour un motif futile. Au cours des années qui suivront, au gré de leurs promotions et des aléas de l'Histoire, ils se retrouveront régulièrement pour reprendre ce duel qui ne semble pas vouloir désigner de vainqueur. Cet étalement dans le temps contribue beaucoup à cette impression d'ampleur du récit. le contexte de leurs rencontres sera bien différent à chaque fois, selon que l'armée est victorieuse ou non, selon le régime en place, mais les personnages resteront les mêmes jusqu'au bout. D'Hubert et Feraud s'opposent radicalement, tant par leur origine sociale, aristocratique pour l'un, issu du peuple pour l'autre, que par leur tempérament, D'Hubert est réfléchi et réservé tandis que Féraud est sanguin et excessif. L'un et l'autre sont attachants et il est bien difficile pour le lecteur de choisir son favori même si Conrad adopte plutôt le point de vue de D'Hubert. le récit de cette querelle au long cours est passionnant de bout en bout. J'attendais chaque nouvelle rencontre avec impatience. L'argument de départ est pourtant risqué. Impossible d'éviter la répétition sur un tel sujet qui joue justement sur la récurrence d'un motif tout au long du récit. Pourtant, Conrad réussit à ne jamais sembler se répéter, il parvient à proposer des variations autour de ce motif central qui renouvèlent à chaque fois l'intrigue, lui conférant même un suspense certain.
Le fait que les personnages n'évoluent pas tellement dans leur psychologie n'affecte en rien le plaisir de les suivre. Ni D'Hubert, ni Feraud n'a réellement d'arc narratif, ces deux personnages sont plutôt des archétypes vivants permettant à l'auteur d'évoquer une dualité de classes, aspect que j'ai trouvé très intéressant.
Au-delà du divertissement très agréable, « le duel » est aussi un formidable roman historique. La reconstitution est très immersive, on sent que l'auteur s'est documenté et surtout on perçoit combien cette époque le fascinait. On croirait marcher ans la boue ou la neuge aux côtés de la Grande Armée tant Conrad sait dessiner des tableaux vivants et évocateurs en quelques lignes.

Après cette très belle lecture, j'ai très envie de visionner le film qu'en avait tiré Ridley Scott. Et bien entendu, je compte bien lire encore et encore d'autres oeuvres de Conrad.
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La postface est intéressante, Joseph Conrad explique comment il a eu l'idée de cette nouvelle. Bien que les personnages principaux soient des hussard de Napoleon, Joseph Konrad est très peu loquasses sur la techniques du sabre ou des conquêtes Napoléonienne. C'est une nouvelle virile où seul l'honneur compte, Joseph Konrad a réussi un pamphlet contre les militaires.
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Il y a quelque chose de fêlé sous le crâne de tout militaire qui se respecte, une forme très particulière de démence, parfois douce parfois féroce, qui pousse des hommes – par ailleurs très raisonnables – à risquer leur vie pour des sottises. Bon, raisonnable, le lieutenant Feraud ne l'est guère. Ce petit gascon colérique accumule les duels comme d'autres les poux et il ne se passe guère un mois sans qu'il ait une nouvelle querelle sur les bras. En revanche, le lieutenant D Hubert, aristocrate picard de vieille souche, devrait être capable de se montrer plus mesuré… Mais voyez comme ces gens-là ont l'honneur chatouilleux ! Sur un malentendu stupide et alors qu'ils résident tous deux dans la même garnison, les deux hommes se brouillent mortellement. Leur mésentente donnera lieu à une longue suite de combats qui deviendront rapidement légendaires au sein de la grande armée impériale. L'Europe tremble sur ses bases, les monarchies s'effondrent et se redressent, mais les lieutenants D Hubert et Feraud n'en ont cure. de Strasbourg à Paris, des déserts de Russie aux forêts de Picardie, ils se croisent, s'affrontent, se séparent pour mieux se retrouver et se battre encore. On a beau dire, une bonne haine, ça vous remplace efficacement les plus belles histoires d'amour !

Le signe distinctif des grands écrivains, c'est leur capacité à faire leur beurre avec n'importe quel aliment. A partir d'un fait divers amusant mais anecdotique de l'épopée impériale, Conrad forge avec « le Duel » une fable fascinante sur la haine, l'orgueil et les extravagances auxquelles ces deux sentiments peuvent pousser un homme. Dans son adaptation filmique de 1977, Ridley Scott a eu le tort d'héroïser le personnage D Hubert, en faisant un parangon de vertus aristocrates face à un Feraud dangereux et à la limite de la démence. le roman de Conrad est plus subtil que cela : il y a de aussi de la rage chez le lieutenant D Hubert, une soif de sang certes plus policée que chez Feraud mais bien présente tout de même, le second servant de révélateur à la violence du premier. Pour Conrad, cette soif de sang est de toute évidence intrinsèque à l'état de militaire. Tout l'enjeu du « Duel » réside donc dans la capacité D Hubert à dépasser cette violence et à devenir ainsi un homme civilisé. Mais les vieux ennemis sont un peu comme les vieux amis : quand vient l'heure de les quitter, on se surprendrait presque à les regretter…

Style superbe, humour acide, critique lucide et acérée du monde de l'armée… La seule chose que l'on pourrait reprocher à ce brillant petit roman est sa trop grande brièveté. Les frustrés pourront se rabattre sans hésitation sur l'excellente adaptation en bande dessinée « Duel » de Renaud Farace, sortie en avril 2017. L'auteur y brode avec talent sur le récit de Conrad, apportant entre autres une épaisseur bienvenue au personnage de Feraud et un approfondissement intéressant du contexte historique. Sur ce, je m'en vais de ce pas approfondir ma connaissance de l'oeuvre de Conrad !
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Loin des aventures maritimes (Typhon, le nègre du Narcisse) qui rendirent célèbre l'écrivain d'origine polonaise Joseph Conrad, ce court roman est un chef d'oeuvre.
Alliant une remarquable connaissance de l'épopée napoléonienne à une maîtrise avérée du suspens, Joseph Conrad nous tient en haleine sur la seule trame d'une opposition aussi tenace que stupide entre deux soldats de l'Empire.
Sous la légèreté de ce thème principal se révèle toute la bêtise agressive des hommes voués à s'entre-tuer que ce soit à l'échelle des nations ou à celle plus intime d'une querelle de hussards.
La raison n'a pas plus de prise sur Feraud, le gascon borné que sur D Hubert, l'aristocrate. L'honneur sert de code et de justificatif à leurs assauts de testostérone.
Ignoré, oublié des critiques qui ont pensé ce roman comme mineur dans l'oeuvre géniale de Conrad, il faut lui rendre sa juste place.
L'immense talent de l'écrivain ne le fait pas tomber dans le piège commun de faire vivre des hommes du XIXe siècle avec nos sentiments et réactions du XXe. La reconstitution de l'époque est parfaite, le récit fluide et intelligent fait songer aux meilleurs contes De Maupassant ou de Daudet.

Enfin, je ne peux que recommander la vision du film de Ridley Scott : « Duelliste » tiré de l'ouvrage qui l'illustre et le magnifie à merveille. Harvey Keitel et Keith Carradine incarnant idéalement les personnages forts de Conrad.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Mais si le véritable courage consiste à aller confronter un odieux danger devant lequel reculent et notre corps, et notre âme et notre coeur, le général d'Hubert avait pour la première fois de sa vie l'occasion de l'expérimenter. Il avait chargé avec ivresse des batteries ou des carrés d'infanterie, et avait porté des messages sous des pluies de balles sans même y penser. Il lui fallait à présent se glisser furtivement dehors , à l'aube , pour aller vers une mort obscure et révoltante. ( page 101)
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Nul homme ne réussit dans tout ce qu'il entreprend. En ce sens, nous sommes tous des ratés. L'essentiel est de ne pas échouer à rendre cohérent et à soutenir jusqu'au bout les efforts de notre vie.
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"Néanmoins, une histoire de duel, qui prit des allures de légende dans l'armée, perdura durant toute l'épopée des guerres impériales. Deux officiers, tels des artistes déments cherchant à dorer l'or fin ou à peindre le Lys, poursuivirent à la surprise de leurs camarades admiratifs une querelle d'ordre privé durant ces années de carnage universel. C'étaient des officiers de cavalerie, et leur lien avec l'animal fougueux mais fantasque qui mène l'homme au combat semble particulièrement approprié. On verrait mal deux officiers d'infanterie de ligne, à la fantaisie sapée par les longues marches et à la valeur forcément plus terre à terre, être les héros de cette légende. Quant à des artilleurs ou des officiers du génie, qui gardent la tête froide grâce à leur régime à base de mathématiques, il ne saurait tout bonnement en être question."
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Pour régler ce différend qui ne souffrait pas d'attendre, ces deux jeunes gens avaient pris le risque d'être brisés et déshonorés au tout début, pour ainsi dire, de leur carrière. Et il craignait que l'enquête à venir ne réussisse pas à satisfaire la curiosité publique. Ils ne révéleraient jamais au public ce quelque chose qui s'était passé entre eux et qui constituait un tel outrage qu'ils avaient pris le risque d'être accusés de meurtre — ni plus ni moins. Mais que cela pouvait-il être ?
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Cela se passait à Strasbourg, et ils savouraient pleinement une brève période de paix dans cette importante et agréable garnison. Ils la goûtaient d'autant plus, en dépit de leur nature profondément belliqueuse, qu'il s'agissait d'une paix où l'on aiguise les sabres et astique les fusils, d'une paix chère au cœur du militaire, dont elle ne ternit pas le prestige, vu que personne ne la croit sincère et durable.
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Un navire de croisière qui s'échoue. le commandant qui prend la fuite. Une trentaine de passagers qui perd la vie. Ca c'est passé il y a quelques années, vous vous en souvenez. Pour un marin, déserter le bord c'est le déshonneur suprême. Et pour un romancier, c'est l'occasion de sonder les abysses de l'âme humaine.
« Lord Jim » de Joseph Conrad, un classique à lire chez Folio.
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