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Critique de Levant


Ebola. Un nom qui évoquera pour les mieux informés une fièvre hémorragique transmise du singe à l'homme. Mais pour la plus grande masse d'entre nous, qui n'est jamais qu'une éponge absorbant sans discernement le flot d'informations déversées en continu par nos médias, un fléau de plus menaçant la planète.

Mais combien savent qu'Ebola est une rivière du Congo qui se jette dans le fleuve Madulé ? Que cette rivière a donné son nom à une calamité annoncée à grand renfort de sentence définitive contre un auditoire assoiffé de sensationnel, à condition que cela n'entame pas son confort.
Paule Constant en fait le sujet de son dernier roman, Des chauves-souris, des singes et des hommes. Elle en profite pour renouveler, comme elle a eu l'occasion de le faire dans ses précédents ouvrages traitant de l'Afrique, cette condamnation douce qu'elle adresse aux nations ex-colonisatrices de ce continent. Douce parce que son caractère n'est pas à la harangue. Mais aussi parce que ça peut lui donner plus d'impact. Qui écoute désormais celui qui blâme dans le concert d'auto flagellation à la mode de la cacophonie médiatique ambiante ?

Une chose est sûre, Paule Constant connaît l'Afrique. Pas comme une touriste qui l'a traversée en 4x4 climatisé, appareil photo autour du cou. Son vocabulaire n'est pas ceux qu'on trouve dans les guides touristiques. La chicotte n'y figure pas. La chicotte, elle a marqué quelques peaux noires. Elle est restée dans le vocabulaire africain comme le symbole d'une menace brandie à qui oublie la discipline.

De ce continent, elle connaît aussi l'histoire. Elle en a retenu une amertume à peine voilée. Elle sait que les armoires à pharmacie sont restées vides au départ des colons. Et quand ces derniers réapparaissent sous couvert de quelque action humanitaire, le choc des civilisations est encore plus évident. La nantie expose son succès devant la démunie.

Difficile alors de faire comprendre dans ces conditions que des comportements peuvent avoir des conséquences désastreuses dans un pays où ignorance rime avec croyance, où pour toute médecine il ne reste que le désenvoûtement pratiqué par l'indigène auto proclamé sorcier, drapé dans la peau du gorille, celui-là même qui a apporté la maladie, et qui a bien compris le profit qu'il pourrait tirer de la détresse de ses congénères. En Afrique plus qu'ailleurs, demain n'existe pas.

Paule Constant dresse un tableau sans grand espoir de ces peuplades livrées à la fatalité comme en témoignent les noms qu'elles donnent à leurs pirogues : S'en fout la mort, la volonté de Dieu, Confiance l'Afrique.
Sans grand espoir non plus pour la nature quand son exploitation est la seule source de revenu, quitte à la piller pour survivre. C'est la fibre écologique de Paule Constant qui se fait entendre. Les accusations entendues, bien que non prononcées, ne s'adressent pas à ceux qui vendent, mais bien à ceux qui achètent.
Il faut voir dans cet ouvrage une mise en garde. Car la sentence définitive annoncée semble avoir été assortie d'un sursis. Gare à la récidive.

Une chose est sûre, je me suis laissé prendre au sortilège de cette écriture douce-amère qui parle de l'Afrique sans faux semblant, avec l'humanité tranquille de ceux qui ne baissent pas les bras devant l'immensité de la tâche.
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