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Critique de Kyuss


Kyuss
10 septembre 2015
Ce que j'aime chez Alain Corbin, c'est que le travail de l'écrivain tient une place importante dans la rédaction du livre, même s'il s'agit d'un travail de recherche universitaire. Il s'agit ici d'un voyage proposé dans les campagnes françaises du XIXe siècle avec comme fil rouge le rapport des communautés paysannes à l'objet de la cloche (en fait, Alain Corbin a ciblé quelques régions et non l'ensemble du pays) de la révolution, qui par définition se pose en une violente rupture, jusqu'à "la belle époque".

Il nous montre que la cloche est plus qu'un outil religieux, que sa fonction dépasse le symbolique par son omniprésence dans le quotidien des communautés, non seulement par sa puissance sonore (on ne peut que deviner l'intensité du son des cloches avant la Révolution grâce aux comptes qui indiquent leurs poids, leur nombre, leurs prix). Car la cloche rythme le quotidien des hommes, donne des repères spatiaux, éloigne les mauvais sorts. Il s'agit d'un objet de "prestige" intimement associé à la communauté dans ses pratiques (les traditions diffèrent encore énormément d'un village à l'autre), sujet à la rivalité entre communautés. C'est toute une relation dont l'auteur réussit à retisser chaque maille à partir de l'étude des comportements dans les "affaires de cloches" qui ont marqué certaines bourgades durant le XIXe siècle.

Car Alain Corbin se base sur un ensemble de documents écrit dont les plus importants sont les "affaires de cloches" qui débutent lors des destructions et fontes de cloches à la Révolution, entrainant ainsi la colère de ces populations (ça pose aussi la question de la diffusion des idées "révolutionnaires" hors des villes). Il emploi aussi des "enquêtes campanaires" faites par des érudits français du XIXe siècle, qui, comme les auteurs romantiques, témoignent d'une certaines nostalgie, d'une volonté de retrouver un passé révolu, révélant ainsi le sentiment d'une rupture culturelle dans le temps. Enfin, arrivent les témoignages les plus surprenants de la fin du XIXe siècle, dans lesquels la cloche devient "assourdissante", insuportable. D'où les propos liminaires de l'auteur sous le titre : "l'exploration de l'inactuel".

Ce livre est une prouesse. Il m'a fait découvrir l'histoire des sensibilités avec l'une des plus belles plumes de l'historiographie française. Mais je pense que cela vient de la proximité même d'Alain Corbin à ce sujet, en effet, il introduit son propos par le récit d'une "affaire de cloche et de sirène" à Lonlay-L'Abbaye entre 1940 et 1958, son village natal (il nous montre habilement que ce passé n'est pas si loin de nous).
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