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Critique de Azallee92


Ce que j'apprécie chez Alain Corbin c'est ce style, une microhistoire, on part de la personnalité de l'orateur puis le cercle s'élargit par l'étude du recensement de la population et de la place de chacun, et notamment des femmes, au sein de la communauté rurale. le récit est traité sous l'angle de la psychologie sociale.
Ce ne sont pas des cours du soir servis par des instituteurs payés…mais 10 conférences, en soirée, en surplus du travail de Mr Beaumord qui recevra une médaille de bronze, la somme de 100 francs, et quelques livres. Il gagnera en prestige et en autorité sur sa classe et au sein des familles environnantes. Mr Beaumord va redresser l'école sur 10 années consécutives.
Sa note passera de 14 à 16/20. Elles auront lieu dans sa salle de classe « le seul local de cette taille qu'il était possible de chauffer, les soirs d'hiver. »
Il est traité de prétentieux par le curé qui se voit partiellement évincé de la communauté et relégué au second rang.
Au cours de cet hiver 1895-96 on découvre la place de l'instituteur laïc et républicain, et également secrétaire de mairie, au sein de la communauté rurale de Haute-Vienne. Il présente aux villageois ce qui parait indispensable à la vie pratique : les bienfaits du travail, comment entretenir et cultiver les terres, les bienfaits de l'union, de l'association, de l'entraide et coopération, de la gelée ses causes et ses effets, des renseignements administratifs, des conseils techniques.
Il y parle de la politique d'expansion de la République française, grandeur d'une mission civilisatrice, avec la conquête de Madagascar, « la terre promise de l'expansion française » , de « l'héroïsme des jeunes soldats de la République qui ont mené ce combat au service de la Patrie »
Les conférences-populaires envisagées par Jules Ferry (avril 1882) doivent être attrayantes. Elles doivent être soutenues par le maire, le médecin, le notaire, les artisans du village et tous les notables qui la composent, tous capables, en venant écouter la conférence, de fédérer une population disparate qui pourrait bénéficier d'une parole novatrice. L'instituteur y dispense la « somme des connaissances qu'il n'est plus permis d'ignorer ». Les maires déplorent que les livres qui circulent ne soient pas « à la portée des populations rurales » en dehors de l'almanach et de la vie des saints. L'enseignement d'alors était rigoriste et autoritaire, à même de faire des hommes selon Dieu et la société. Ces réunions représentent un désir de s'ouvrir au progrès en s'appuyant sur un savoir scientifique et non plus fondé sur l'univers du conte, sur l'inertie de la routine.
Le « droit usuel », la morale, le patriotisme et l'instruction civique s'invitent au programme.
Véritable croisade nationale, l'éducation populaire a connu son heure de gloire à la fin du 19è, début du 20è siècle et a permit la création d'associations d'anciens élèves des écoles primaires, des sociétés mutualistes, afin de façonner la société française et d'instaurer un système d'éducation public, laïc, gratuit, et obligatoire.
Sous l'aiguillon de l'influente Ligue de l'enseignement et de l'inspecteur général de l'instruction publique, émerge l'engagement éducatif des « maîtres », dans la formation des jeunes générations, combatifs, dévoués à leur mission, ils défendent l'école de la République, laïque et patriotique, structure de la doctrine sociale de la IIIè République. Déterminés à transmettre le savoir et les valeurs civiques, essentiellement pour renforcer l'identité nationale et assurer la cohésion sociale.
Entre 1870 et 1914, la France connaît une évolution politique qui enracine peu à peu la république. Ce faisant, une démocratie libérale s'installe et les populations obtiennent de plus en plus de droits.
La III ème République est aussi un moment d'affirmation de l'empire colonial français. Elle contribua aussi a la mise en place de la liberté de la presse (1881), du droit de réunion (1881), de la liberté syndicale (1884), de la loi sur le divorce (1884) permettant ainsi à une société plus libre de se constituer.
La loi de 1901 introduira la liberté d'association laïque non professionnelle et le développement des sociétés de prévoyance et de solidarité pour couvrir les frais de retraite, de maladie ou d'accident de l'enfant devenu majeur.
Alain Corbin fait un parallèle avec les maçons travailleurs saisonniers qui faisaient des allers-retours à la capitale et se targuaient de connaitre un beau monde et pour qui savoir lire et écrire leur facilitait l'intégration à la vie de la grande ville.
On y voit de belles cartes postales sépia de Morterolles du début de 20è siècle, la mairie et les écoles, la rue principale, la place de la poste, du champ de foire, de nouvelles constructions en Limousin par la confrérie des maçons où les « aînés » se chargent de guider les « nouveaux ».
Mr Beaumord conclut ses conférences par cette exigence : « Pour nous tous, cela doit constituer une leçon, qu'il vous faudra méditer sur le chemin du retour »




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