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Critique de 5Arabella


Pièce jouée la première fois le 25 février 1662, avec un incontestable succès, elle est publiée la même année et très vite reprise par d'autres troupes, dont celle de Molière, qui la reprendra régulièrement. La source principale de Corneille est Plutarque, « La vie de Sertorius » et « La vie de Pompée ». Il modifie toutefois à son habitude l'histoire pour les besoins de son intrigue : en fait Sylla était déjà mort depuis 6 ans au moment de la mort de Sertorius, et Corneille a du ajouter des rôles féminins à sa pièce, et imaginer les intrigues amoureuses associées.

Nous sommes en Espagne. Sertorius s'oppose par les armes à la dictature de Sylla, il a réuni auprès de lui une partie du Sénat. La reine Viriate, l'aime et veut l'épouser. Il l'aime également mais hésite, il est vieux, elle est reine. Perpenna, un Romain qui est un de ses lieutenants, veut épouser la Reine et complote l'assassinat de Sertorius. Mais ce dernier est prêt à favoriser les amours de Perpenna auprès de la reine, d'autant plus qu'Aristie, la femme que Pompée a répudiée à la demande de Sylla est en Espagne, elle a des soutiens puissants à Rome, et pour sceller l'alliance avec Sertorius se propose de l'épouser. Ce serait un mariage politique et raisonnable par excellence.
Mais Aristie aime toujours Pompée qui l'aime également, même s'il a épousé pour la forme une autre femme à la demande de Sylla. Il se propose à la fois de persuader Sertorius d'abandonner la lutte, annonçant la renonciation de Sylla à la dictature, et demander à Aristie de ne pas s'engager dans une autre union, car il pourra bientôt revenir à elle.

Il ne convainc pas Sertorius, qui n'arrivant pas à étouffer ses sentiments, décide d'épouser Viriate. Ce qui provoque son assassinat par Perpenna, qui pense de cette façon gagner la reine et les faveurs de Pompée. Il finira tué par ses soldats.

Une pièce relativement simple dans son déroulé. La mort annoncée de Sertorius, qui est la donnée historique à partir de laquelle Corneille a imaginé sa pièce, est l'élément central. Corneille imagine ce qui a pu amener à ce dénouement tragique : l'amour de Perpenna pour Viriate, sa jalousie envers Sertorius. Comme dans Cinna, pièce simple dans son déroulé, et pour laquelle l'histoire ne fournissait que peu d'éléments tangibles, il brode, invente. Comme dans Cinna, au centre de la pièce, un débat politique entre Sertorius et Pompée. Ce dernier, homme de compromis, adepte de positions conciliantes, voudrait que Sertorius abandonne une lutte qu'il présente comme anachronique. Mais Sertorius, fidèle à ses convictions, s'y refuse.

Corneille a beaucoup ennobli le personnage de Pompée, qui menait la guerre après la mort de Sylla, au final pour son propre compte. le régime républicain agonisait, et les hommes forts, dont Pompée, convoitaient le pouvoir, la toute puissance, comme celle qu'avait exercée Sylla, sans avoir comme lui, l'intention d'y renoncer un jour. Au final, Pompée sera vaincu par un plus puissant que lui, Jules César, ce que Corneille évoquera dans La mort de Pompée, mais à ce moment, les choses n'en sont pas là, et Pompée pense avoir toutes ses chances.

Corneille considérait sans doute la royauté comme le meilleur système politique possible. le discours de Pompée, comme celui de Cinna dans la pièce qui porte son nom, donne des arguments en faveur de la soumission à un pouvoir qui assure la paix civile, et qui est au final le plus souhaitable pour une majorité de citoyens. N'empêche qu'en arrière fond, d'une façon involontaire probablement, apparaissent les violences, la démesure, les folies liées à une lutte féroce pour le pouvoir. Personne ne fait confiance à personne, tout le monde est suspect, tout le monde peut un jour ou l'autre vouloir se joindre au jeu. L'assassinat est une arme défensive qui peut avoir son utilité. Quitte à livrer à la mort celui qui l'a commis, par prudence, ou en feignant de vouloir punir un abus. Sertorius et La mort de Pompée se répondent d'une certaine façon.

Challenge théâtre 2017-2018
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