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Critique de Presence


Ce tome regroupe les 6 épisodes de la minisérie parue en 2010/2011. L'histoire met en scène les personnages créés par Grant Morrison dans Ultramarine Corps, et repris dans The Black Glove.

Dans le premier épisode, Knight (Cyril Sheldrake) et Squire (Beryl Hutchinson) initient un individu nouvellement doté de pouvoirs aux us et coutumes de "the Time in a Bottle", un pub qui accueille superhéros et supercriminels du fait de règles particulières. Suite à un malentendu, ils doivent mettre fin à une bonne vieille bagarre de bar. Ensuite, ils doivent mettre fin aux agissements d'un groupe d'anglais adeptes de la Morris dance, à ceux de Richard III récemment revenu à la vie et à l'armure de Knight qui a des velléités d'autonomie. Les 2 derniers épisodes prennent un ton plus grave car Jarvis Poker (British Joker) se meurt.

Paul Cornell reprend les superhéros créés par Grant Morrison pour les développer dans un milieu très anglais. Non seulement leurs aventures se déroulent en Angleterre, mais en plus les expressions utilisées font appel à une connaissance approfondie de l'anglais dit "colloquial". Cornell ne se contente pas de clichés anglais bons pour les touristes ; il utilise l'argot du coin et il crée des ambiances "so british". Il emmène son lecteur visiter des coins peu touristiques de l'Angleterre tel que ce pub particulier, le château des Sheldrake, mais aussi le newsagent de la petite ville où résident Cyril et Beryl, la maison de la maman de Beryl et son petit lopin arrière avec le fil à étendre le linge. Pour ces 2 derniers endroits, les illustrations de Jimmy Broxton transportent le lecteur avec une force évocatrice incroyable. L'intérieur du marchand de journaux comporte juste ce qu'il faut d'éléments typiquement anglais pour s'y croire, sans crouler sous une masse de détails. le petit lopin derrière la maison comprend 3 ou 4 carrés de terre cultivée, et la corde à linge avec 2 collants rouge et noir de Squire, ce qui confère une sensation palpable d'intimité et de douceur maternelle qui réchauffe le coeur.

Au delà de ces aspects très anglais, Paul Cornell raconte une histoire qui sort des clichés habituels spécifiques aux superhéros. Grâce à un soupçon de magie arthurienne, les superhéros et les supercriminels cohabitent paisiblement au sein du pub et deviennent des êtres humains touchants et complexes. Cornell sait en quelques cases communiquer au lecteur la part de hasard qui influe sur le coté de la barrière (par rapport à la loi) où se retrouvent les uns et les autres. Puis il se moque gentiment de la tentation du communautarisme avec l'évocation de la Morris Dance. Il s'amuse du patrimoine historique des grands hommes anglais avec l'ambivalence du personnage de Richard III. Et pour finir, il revient à la dimension humaine du Joker anglais pour mettre en avant tout ce qu'il y a de relatif dans sa carrière criminelle. Même sa façon de présenter Knight et Squire insiste plus sur les caractéristiques humaines que sur le folklore qui va de pair avec leur costume de superhéros. Beryl n'hésite à présenter Knight comme un membre de la haute qui n'arrive pas à comprendre les gens du peuple. Enfin elle dispose d'un pouvoir peu commun et très subtil.

Pour mettre en image ce récit qui à l'apparence d'une histoire de superhéros, Jimmy Broxton utilise un style assez comics pour créer des images qui elles aussi sortent des clichés habituels de ce genre. Son style tire plus vers le rendu simple que le photoréalisme obsessionnel. Ce choix lui permet de tout représenter, même les criminels aux costumes les plus loufoques (Organ Grinder avec sa ceinture à motif de clavier de piano et des tuyaux d'orgue dans le dos) sans que leur impossibilité devienne gênante. Il lui permet aussi d'intégrer les personnages historiques comme Richard III (et quelques autres) au milieu des autres superhéros et personnages secondaires sans qu'il y ait un écart trop grand. Il apporte un soin plus important aux décors ce qui ancre les personnages même les plus loufoques dans une réalité plus solide. Ce style n'est pas toujours plaisant car certaines mises en scène sont trop simplistes ou enfantines (le duel à moto et à l'épée), mais il fait exister les personnages au delà de simples caricatures (en particulier Jasper Poker, émouvant dans son désarroi et sa détresse).

Cette histoire sort des sentiers battus car elle s'attache aux relations humaines et aux aspects ordinaires d'individus portant des costumes aussi hauts en couleurs qu'improbables pour ne pas dire ridicules. Cornell et Broxton n'inventent pas moins de 130 nouveaux personnages pour peupler l'Angleterre de surhommes tous faillibles et régis par leur condition sociale. Ils sont à l'opposé du combat facile et de l'esbroufe, pour plutôt installer une idée de communauté formée par l'ensemble des superhéros et des supercriminels, dans un environnement terriblement anglais. Ce récit n'au ra pas d'impact durable sur l'univers partagé DC, mais il aura emmené le lecteur dans un monde à part avec sa propre logique et une personnalité particulière et attachante.
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