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Critique de bran_601


"Les dieux parlent par signes. Ce peut être une feuille tombée en été, le cri d'une bête agonisante ou une ride sur l'eau calme. Ce peut être une nappe de fumée rasant le sol, une éclaircie ou le vol d'un oiseau.
Mais ce jour-là les dieux provoquèrent une tempête.
Une tempête terrible, même si, par la suite, on parla de l'Année où vint l'Etranger et non de l'Année de la tempête.
Car un Etranger vint à Ratharryn le jour de la tempête. C'était un jour d'été, celui où Saban faillit être tué par son demi-frère.
Ce jour-là, les dieux ne parlèrent pas. Ils hurlèrent."


Aujourd'hui je vais vous parler d'un livre qui me tient particulièrement à cœur puisqu'il s'agit de "Stonehenge" de Bernard Cornwell, un auteur me procurant sur bien des aspects les mêmes sensations de lecture qu'un certain David Gemmell.
Et parce qu'il faut bien commencer par quelque chose, évacuons le négatif d'ores et déjà et l'on regrettera que ce très bon roman de fiction historique n'ait pas été édité dans nos contrées dans une belle reliure, et si à ma connaissance il existe bien deux éditions françaises, aucune des deux couvertures ne rend vraiment hommage à son contenu.
À la limite c'est pire que cela encore pour celle que j'ai en ma possession qui constitue un véritable épouvantail si bien que ma propre édition du roman chez France Loisirs est longtemps restée perdu au fin fond de ma bibliothèque et ce jusqu'à ce mois de janvier 2014 (très prolifique en matière de lectures, peu en matière de critiques, quelques soucis qui vous bouffent le cerveau...).
Comme quoi il ne faut pas négliger le travail de certains éditeurs (Atalante, Mnémos, Bragelonne, moutons électriques, Fleuve Noir ...) qui attachent une grande importance à l'emballage car le contenant est aussi un des facteurs favorisant la rencontre entre un livre (bon ou mauvais d'ailleurs) et son public.

Stonehenge, "la légende de Stonehenge" chez nous (what !?), c'est avant tout l'histoire de trois frères dont le destin s’écrit en lettres de sang, Lengar l’aîné, celui amené à régner sur le clan, un individu impulsif, violent, cruel, Camaban le second, fils renié du fait de son infirmité (pied bot), on le surnomme l'enfant tordu parce qu’il marche d'une façon grotesque et parce qu’il porte la marque de la déesse (tache de lune sur le ventre), jugé inutile par son père il est voué à être sacrifié à la déesse à moins que ...; et enfin notre personnage central Saban le plus raisonnable des trois mais pas le moins déterminé.
Pour ceux qui ont eu la chance de lire le cycle "un monde sans Dieux" de Brian Ruckley, Camaban se révélera être une sorte d' "Aeglyss", un personnage torturé, obsessionnel, poussant au fanatisme ceux qui le porteront telle une sorte de messie, avant d'embraser et de plonger tous les anciens peuples dans une folie contagieuse pour en inonder la terre de sang et d'os.

Vers la fin du troisième millénaire avant JC (-2100), au début de l'âge du bronze dans les Îles britanniques, dans ce que certains qualifient de protohistoire, le monde des hommes évolue a une vitesse spectaculaire avec notamment un brassage quasi continuel de nouvelle vague d'immigration continentale, et avec ces nouveaux arrivants c'est toute la société humaine qui change, c'est le développement des échanges commerciaux, l’apparition progressive de la monnaie qui se substitue au troc, une plus grande maîtrise de travail des métaux, une socialisation de la vie en communauté, une amélioration des techniques de construction de l'habitat des foyers et des lieux de culte ...
Mais c'est aussi un monde qui sort du néolithique, une terre où les peuples vivent pour la matière spirituelle, où les dieux côtoient les mortels au détour d'une colline ou d'une rivière, un âge où l'on construit son existence sur les respects et la crainte de forces qui nous dépassent mais que l'on vénère plus que son clan, sa femme, ses enfants.
C'est des hameaux où l'on vit, protégés par de grands talus jonchés de cranes de bœufs, de loups, des guerriers ennemis, censés autant dissuader les esprits qu’impressionner les ennemis. C'est dans les ossements de bébés que les prêtes tentent d’interpréter les volontés divines, et quand cela ne suffit pas, commander le sacrifice de tête de bétail, d'esclaves ou d'individus même de la communauté.
C'est une époque où rentrer dans la vie adulte consiste à survivre à un rite initiatique ou bien à être comdamner à être considéré comme un sous-homme le restant de son existence.

La construction de ce qu'aujourd'hui on nomme Stonehenge, sur les ruines de temples plus anciens encore, sert bien sûr de fil conducteur pendant tous le roman, en quelque sorte un tuteur sur lequel s’entremêlent les différentes intrigues, le roman ne se limite pas pour autant à la conception d'un édifice, bien que l'auteur ait tenu tout particulièrement à respecter le plus possible les dernières interprétations historiques sur le sujet.
C'est un roman où s'opposent les tribus dans la forme que prend l'expression de leur croyance, dans la violence sauvage qu'ils se livrent pour témoigner de leur affection à leur divinité. C'est en quelque sorte une guerre d'adoration qui peut se traduire également par une course à l’élévation de temples plus spectaculaires les uns que les autres.
C'est un roman sombre, violent, cruel, en quelque sorte un croisement entre la guerre du feu de J. -H. Rosny et Apocalypto de Mel Gibson pour l'ambiance et le ressenti.
C'est surtout un roman où s'opposent trois frères, trois destins, trois hommes déterminés aux motivations différentes mais dont parfois les objectifs convergent, et entre celui qui vit pour la domination pure et simple, celui qui qui rêve d'élever Pierre par Pierre le plus bel édifice de l'humanité et le troisième qui ambitionne de faire de la nuit, le jour et le jour, la nuit afin d'amener la paix sur terre, abolir la maladie, la souffrance et la mort, quitte à déchaîner l'enfer sur terre pour y parvenir, le récit réserve son lot de trahisons, guerres, vengeances en tous genres.
Certains passages sont même dérangeants tant parfois le fanatisme religieux impose aux foules des comportements ramenant l'homme en dessous même du niveau de la sauvagerie animale.

La postface de seize pages de l'auteur prolonge agréablement la lecture tout en fournissant tous les réponses sur le travail préparatoire de Bernard Cornwell, ses sources historiques mais également ce sur quoi il a élaboré ses propres interprétations...
Stonehenge est une formidable aventure se déroulant dans un autre temps, une autre époque, un âge bien mal connu mais vraiment fascinant et envoûtant, et ce quelque temps avant l’émancipation de la culture celtique sur ces terres.
C'est un temps où l'on vénère le dieu solaire Slaol et la déesse lunaire Lahanna, un temps ou la superstition et les mythes sont la réalité de l'humanité, un temps où cet état de fait pouvait permettre à l'homme de déplacer des montagnes...
Lien : http://david-gemmell.frbb.ne..
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