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Critique de Gwen21


Gwen21
09 septembre 2013
1812. Espagne.

Ce troisième tome des aventures du capitaine Richard Sharpe tranche avec ses aînés de par sa virilité exacerbée. Roman 98% militaire et 2% romanesque, "La compagnie de Sharpe" donne au lecteur le sentiment que l'auteur a peut-être songé à achever ici sa saga, sur le dénouement sanglant du siège de Badajoz, verrou fortifié posé sur la frontière entre Espagne et Portugal et dont la prise garantissait à Wellington et à ses armées britannique et alliée de pénétrer en Espagne pour bouter les Impériaux hors de la Péninsule. En effet, la fin de cette aventure sonne comme une bonne issue pour les protagonistes et offre un dénouement parfait à l'écrivain qui ne pouvait augurer le succès de librairie qui allait l'encourager à poursuivre son oeuvre.

Roman violent, viril et guerrier. Éprouvant pour ceux qui tournent de l'oeil à la vue du sang ou à la pensée d'une baïonnette de 40 cm d'acier dentelé s'enfonçant dans la poitrine d'un soldat ennemi à la fois mort de peur et électrisé par la rage de vaincre.

Roman fascinant sous bien des aspects par le tableau précis et très bien documenté qu'il brosse du siège d'une ville en temps de guerre napoléonienne. Bernard Cornwell maîtrise parfaitement son sujet, à la fois sa chronologie et sa thématique. Il sait entraîner son lecteur dans le sillage d'un bataillon montant à l'assaut d'une brèche, décrire les techniques et les stratégies, nommer les armes et indiquer les "avancées" dans cet "art de la guerre" ayant pour seul but de faire d'une armée une machine à tuer, à broyer, à anéantir, à écraser...

Des scènes très réalistes souvent insoutenables de par leur violence. Pourtant, je pense que l'auteur a évité les écueils qui auraient pu faire basculer son récit dans une narration édulcorée. Ce que j'apprécie particulièrement, c'est que j'ai beau cherché et être attentive, je ne trouve pas de manichéisme dans la distribution de l'action et ça, ça me plaît. Il s'agit d'un récit de guerre : deux citadelles espagnoles doivent tomber et passer des mains françaises aux mains anglaises, Ciudad Rodrigo et Badajoz. Sharpe et sa compagnie prennent évidemment part aux combats et obéissent aux ordres de leurs officiers, normal, ce sont des soldats, le lecteur ne doit donc pas s'attendre à des scènes pastorales mais, sous la plume de l'auteur, aucune des deux armées n'est meilleure que l'autre ; les belligérants deviennent des bouchers barbares qu'ils portent un uniforme bleu ou rouge ; l'horreur des pillages est aussi dégradante de quel côté qu'elle vienne ; les "héros" qui parviennent à franchir les murailles hérissées de fer de la forteresse assomment l'ennemi à coups de hache et de baïonnette et ne font pas de quartier qu'ils soient français ou britanniques ; Sharpe et ses compagnons n'échappent pas à l'instinct de survie qui pousse à tuer avant d'être tué. Pour le lecteur français, il n'est pas facile de "choisir son camp" quand il assiste à l'assaut des Anglais contre ses compatriotes !

Honnêtement, je pense qu'un lecteur qui débuterait la saga de Sharpe par ce tome 3 passerait à côté d'une bonne part de compréhension de la psychologie des personnages pour ne retirer de sa lecture qu'un très bon récit militaire si tant est qu'il apprécie un tel récit. Pour le lecteur qui suit les aventures de Sharpe depuis quelques tomes, comme c'est mon cas, la lecture de ce volet est une montée en puissance dans l'horreur de la guerre, dans tout ce qu'elle a de cru et de sanguinaire, une apogée en quelque sorte qui pousse à désespérer du comportement des hommes quand ils sont plongés dans des circonstances où il ne peut plus y avoir ni gentils ni méchants mais seulement des victimes et des bourreaux.
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