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Critique de Pecosa


Femme qui court de Gérard de Cortanze est un ouvrage consacré à la sulfureuse Violette Morris, qualifiée généralement et pour faire bref , de sportive lesbienne collabo, et surnommée "affectueusement" par Auguste Le Breton la « Hyène de La Gestap' ». On l'a croisée dans Ronde de nuit de Modiano, dans Histoires de ma vie de Jean Marais, et plus récemment dans une bande dessinée signée Kris, Violette Morris. A abattre par tous les moyens.
Violette, fille du baron Pierre Jacques Morris, vécut loin des siens dans un couvent, où elle prit goût à l'exercice physique. Elle s'illustra dans de nombreux sports, devint l'une des Françaises les plus titrées, battant des records nationaux et mondiaux. Athlète infatigable, aucune discipline ne lui résistait, l'athlétisme, la natation, la boxe, la course automobile… Sa maxime: « Ce qu'un homme fait, Violette peut le faire. » Elle se porta donc volontaire au cours de la première guerre comme estafette.
Dotée d'un caractère ombrageux, elle n'hésitait pas à se battre, refusa de porter des jupes à la demande de la fédération française, ce qui lui valut de ne pas être qualifiée aux Jeux Olympiques d'Amsterdam. Figure des années folles, icône féministe, elle fut la maitresse de Joséphine Baker, se fit faire une ablation de la poitrine (qui la gênait pour conduire), porta costume et cheveux courts, s'essaya à la chanson... Maîtresse de l'actrice Yvonne de Bray, elle fut aussi l'amie de Marais et surtout de Cocteau qu'elle et Yvonne hébergèrent sur sa péniche. ll s'inspira de leur relation conflictuelle pour écrire sa pièce Les monstres sacrés.
Violette Morris fut toujours considérée comme un monstre, une anomalie, une lesbienne rivalisant avec les hommes, une dangereuse harpie (elle avait abattu un cambrioleur), une aberration de la nature, une hommasse très moche.
Là où les choses se corsent, c'est à partir de 1936, lorsque Violette est une invitée d'honneur aux Jeux Olympiques de Berlin. Dès lors, la légende noire de la Morris prend forme, car elle va devenir pour la postérité une espionne au service du Reich ainsi q'une auxiliaire zélée de la Gestapo française pour laquelle elle torture rue Lauriston, raison pour laquelle elle est abattue avec d'autres personnes en 1944 par des membres du réseau Surcouf..Ses titres tombent dans les oubliettes, elle devient l'équivalent féminin de Jacques Cartonnet l'ancien champion de natation collaborateur notoire.
Ce n'est pas l'ouvrage de Gérard de Cortanze qui a éclairé ma lanterne dans cette affaire. L'auteur veut réhabiliter Violette Morris, et consacre la grande partie de son ouvrage aux années de formation de l'athlète, à la première guerre, aux années folles . La seconde guerre mondiale n'occupe que cent petites pages, où il n'entre pas dans la polémique, et dont quatre seulement sont consacrées au "dossier Morris ». Gérard de Cortanze focalise son livre sur la personnalité d'une femme sans doute née trop tôt, refusant toute compromission, vivant comme elle l'entend, et on comprend qu'elle exerce sur lui une certaine fascination. Dans Femme qui court, elle est le bouc émissaire d'une époque qui ne lui pardonne ni son ambivalence, ni son indépendance.
Violette Morris est en effet un personnage singulier, atypique, sur lequel d'ailleurs les historiens n'accordent pas leurs violons. La Gestapo et les Français de Dominique Lormier, Violette Morris, histoire d'une scandaleuse de Marie-Jo Bonnet, ou bien Violette Morris, la hyène de la Gestapo de Raymond Ruffin en dressent des portraits contradictoires. Je prends donc Femme qui court comme une l'incroyable itinéraire d'une garçonne et d'une grande championne puisque la partie biographique qui m'intéresse le plus n'est pas au coeur du récit.
Je remercie les Editions Albin Michel pour l'envoi de ce roman reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique.
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