AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de gerardcoste


Le bonheur est dans Longpré.

Un récit entre témoignage historique, ethnographie, tableaux poétiques, recueil de
saynètes… Au début, on ne sait pas. On avance pas à pas. L'auteur est timide. Il n'ose
pas encore imposer son style. Il joue avec les jeux de mots, les références littéraires,
les adages populaires, emprunte aux autres poètes. On le regrette un peu, parce que
c'est trop modeste, trop en retrait, trop convenu (peut-être trop facile)… Et puis, il
y a ces photos qui imposent un style : celui de l'ethnographie. L'auteur se cache
encore : « Ce que je vous dis est vrai, la preuve, regardez la photo. » Il plaque le vrai
sur son réel à lui, comme s'il voulait se maintenir à distance, nous maintenir à
distance.
Pourtant ! Pourtant !
Pourtant, il ne va pas y parvenir. Ou plutôt, il va parfaitement parvenir à nous
toucher, nous prendre par la main, nous émouvoir. Plus il progresse dans son récit,
plus il nous fait oublier les photos et les jeux de mots trop convenus. Non. Tel un
perce-neige, il jaillit de dessous la neige. C'est un jaillissement poétique, un rythme,
une peinture. le trait du pinceau est de plus en plus sûr. Par touches, il nous touche
au plus profond. Il creuse dans la terre riche de son souvenir, pour révéler l'humanité
universelle. C'est là, c'est puissant, vibrant, du vivant charnel, de l'émotion
magnifique.
Enfin, on est pris dans la danse, on tourne les pages avec un appétit qui ne se dément
plus. On aime ce gosse. On aime ces gens. Ces personnages à la Maupassant. Ce pays,
ces duretés et ses drôleries. Sa poésie infinie. On aime surtout ce gosse sincère,
curieux, si merveilleusement observateur, sensible, poète déjà. Et quand on connait
par avance le métier qu'il se choisira, on comprend tout son amour pour la vie et la
terre, pour ces petits miracles de la vie de la plante, de l'animal, et même de la pierre
et son récit de vie. Par les yeux et tous les sens, l'enfant a capté le monde : le geste
ancestral, les odeurs du monde depuis toujours, la lumière et la nuit, le froid et le
chaud de la nuit des temps. Il est dans le monde, en son centre. Longpré-le-Sec est
au centre du monde : théâtre des rapports humains, mi-comédie, mi-tragédie ; lieu
des transformations qu'apporte le progrès technique, lieu de l'évolution des
mentalités ; lieu de l'enfance en souffrance, en espoirs, en émerveillements, en
promesse d'amour et de liberté ; lieu de vie, creuset de la vie.
Alors on tourne la page, vite, pour ne pas perdre le fil de l'écriture, pour ne rien
perdre de l'émotion, du battement de coeur que procure à la fois la poésie du style,
de plus en plus assuré, et l'humanité mise à nue. On zappe les photos. Surtout qu'elles
ne viennent plus perturber l'imaginaire, le récit du conteur ! (Peut-être aurait-il été
préférable de toutes les regrouper au centre ou à la fin du livre, afin de nous laisser
le choix d'aller les voir ou non, au moment où nous l'aurions voulu, pour laisser le
texte, tous ces petits chapitres à la fois théâtraux et poétiques, intactes et pleinement
assumés comme oeuvres littéraires.)
Ce récit d'enfance est une parfaite réussite. C'est-à-dire qu'il laisse des traces,
imprègne son lecteur qui poursuit, bien après avoir refermé le livre, le chemin doux-
amer, tendre et émerveillé, bercé encore par la poésie d'un enfant que l'adulte a su
retrouver et transcender.
On n'espère qu'une chose : qu'il poursuive son oeuvre, sans plus de retenue ou de
réserve, en toute confiance dans l'éveil d'un style, dans la beauté d'une plume, dans
la naissance d'un auteur. On veut encore fréquenter cette âme sensible, cet être en
devenir qui vient de déployer devant nous ses premières branches aux feuilles
tendres, fragiles encore, que le vent agite cruellement ou doucement. On a senti déjà
combien la sève donnera de force à cet arbre-là.
La suite, s'il vous plait, monsieur Coste ! Les notes sont belles, d'autres mélodies
encore, je vous prie !

21 juillet 2018,

Sandrine le Mével Hussenet
Commenter  J’apprécie          11



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}