AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de bobbysands


Le Rococo d'oc, une anthologie poétique
La poésie d'oc est, au XVIIIème siècle, le pendant provincial de la créativité littéraire que connaît cette époque (et que nous connaissons tous avec les philosophes des « lumières ») souvent issue des salons parisiens. Cette poésie du sud-sud-ouest, se veut instantanée, momentanée, orale presque comme des contes versifiés. Les vecteurs de transmissions de ces poèmes sont souvent la voix, le chant quelquefois sur un bout de papier qu'on fait tourner dans le village et autour duquel on discute du talent ou non de son auteur. La légende veut que cette poésie sorte instinctivement de la bouche de son auteur, ou de sa plume, et relève plus de la comptine pour adulte improvisée que de la fable de la fontaine. le poème en langue d'Oc est une saillie, un trait d'esprit qui s'exprime sur une tranche de vie plutôt banale. En effet, la forme, très simple, se veut en adéquation avec le fond qui bien souvent parle de sujets terre à terre, ou bien évoque un aspect sans intérêt d'une situation hors du commun.
Cette anthologie poétique est composée de la façon suivante. Après une très riche introduction, les poèmes sont regroupés par thèmes et sont juxtaposés à leur version en langue d'oc, ce qui facilite la lecture et la découverte de ce charmant patois. On comprend alors qu'ils sont écrits la plupart du temps par des gens d'une éducation plutôt élevée, riches marchands, propriétaires lettrés, noblesse de robe, clercs… le ton est léger, comique, faussement naïf, parfois alerte voir moral.
Ce qui frappe en premier abord est la liberté de propos. Les sujets sérieux sont abordés de manière triviale. A travers ces textes nous avons ainsi une vision plutôt authentique de l'état d'esprit occitan, qu'on imagine proche de celui des autres provinces. Les parties « masques burlesques » et « plumes acerbes » sont à ce titre les plus incisives et celles qui montrent bien qu'on est loin de l'imagerie d'Epinal du provincial un peu pataud, un peu désintéressé des problèmes politiques.
A la seconde lecture, un deuxième élément marquant est l'esprit français, critique mais constructif, moqueur et râleur que l'on retrouve dans chaque texte. Cette anthologie, même si elle est centrée sur l'occitan nous montre alors que les prémices de la littérature populaire se trouvent dans ce XVIIIème siècle. On parodie la littérature classique, on se moque des valeurs chevaleresques on met en scène l'ignorance humaine avec talent et simplicité : il y a quelque chose de très français dans la façon d'aborder de grand thème et dans l'humour. Ce que l'on appellera l'esprit voltairien, ainsi que tous ces procédés stylistiques préexistent dans la France profonde et chez ses élites des régions périphériques.
Je ne m'attarderai pas sur la partie un peu beauf « jeux coquins », ou l'on réalise que l'humour Bigard, ou bien le « libertinage » si l'on veut paraître plus raffiné est aussi vieux que mathusalem. Il faut cependant le lire pour se rendre compte de l'évolution qu'a connue ce genre d'humour : aucune…
Qu'apporte donc cette anthologie ? Une vision plutôt authentique de grands sujets de société pimentée par l'humour et l'esprit à la veille d'une révolution qui marquera l'histoire française à jamais. Dommage que seul le moralisme ait persisté à travers les âges au détriment de la légèreté et l'humour avec lesquels les sujets les plus graves étaient abordés. Et pour finir, je mettrai une mention toute particulière au poème « Su l'oubligatioun qu'aven ei Jusiou », qui n'est ni plus ni moins qu'un prêche de prêtre catholique qui explique pourquoi il ne faut pas maltraiter les juifs !
Commenter  J’apprécie          10



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}