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Critique de Dandine


Je reste en Afrique (dans mes lectures). Je reste en lusophonie. Je quitte l'Angola de Jose Eduardo Agualusa et prends le cap du Mozambique de Mia Couto.


Un medecin portugais s'installe dans un bled perdu du Mozambique, essayant de retrouver la trace d'une femme qui l'avait quitte et disparu mysterieusenent. C'est la qu'habitent les parents de cette femme: lui, vieux loup de mer agonisant, elle, sorciere ou tenue pour telle.


Avec force dialogues, Couto campe admirablement la problematique de la rencontre de differentes mentalites, une qui se veut scientifique et une attachee a des modes de pensee et de vie traditionnels, archaiques; et la problematique de l'immersion d'un homme blanc en une communaute d'hommes noirs qui ont connu le colonialisme. "A mesure qu'il s'eloigne des recoins qu'il connait si bien [...] l'etrangete cede la place a la peur [...] Il s'apercoit combien son Afrique etait reduite: une place, une rue, deux ou trois maisons en ciment. Alors il comprend combien sa personne apparaissait deplacee et combien, meme s'il ne le voulait pas, il se faisait beaucoup remarquer. Au fond, le Portugais n'etait pas une personne. Il etait une race qui marchait solitaire sur les sentiers d'une ville africaine". Il n'y a pas de grands heurts mais surtout une certaine mefiance (ou une certaine defiance?), et beaucoup d'incomprehension. Comment comprendre cet europeen, ce blanc, qui est venu se perdre dans un coin perdu, eloigne de tout grand ou moyen centre, presque sans communications avec l'exterieur? Que cherche-t-il vraiment? Et comment lui peut comprendre, en cet endroit qui vit comme reclus dans une autarchie sociale, les dissensions de ses habitants? Sont-elles dues a l'ancienne colonisation ou a des luttes survenues apres? Qui en fait l'accepte et qui le repousse? Qui est franc et qui lui ment? Tous mentent? Tous l'embobinent? Il ne peut saisir la verite de chaque mensonge, ce que chaque mensonge englobe de verite: "cette terre ment pour vivre". Et quand il finira par comprendre, ou croire avoir compris, ce sera la fin, ou trop tard, ou sans remede: il devra partir. Repartir. Vers le pays qu'il avait quitte sans trop savoir pourquoi. Maintenant il realise: " on part a l'etranger lorsque notre pays nous a deja quitte".


Couto est ne et vit au Mozambique. Il est tres engage dans le devenir de ce pays, et cela se sent a son ecriture. A son empathie profonde envers ses concitoyens, de tous bords, de toutes classes. Il ecrit leur histoire, leurs traditions, leurs valeurs, ce qu'il voit comme qualites et ce qu'il considere defauts. En une prose seduisante. Ici il entortille le lecteur dans une histoire d'amour egare, ou s'embrouillent d'autres passions intenses, des secrets accablants, des rancunes qui durent plus que la vie, une jungle humaine decrite avec tendresse et beaucoup d'humour.


J'ai aime les differents portraits que nous livre Couto, sans jamais les juger. J'ai aime les dialogues qui deviennent comiquement absurdes a force de non-dits, de malentendus, d'incomprehension. J'ai moins aime la fin, ou l'auteur precipite nombre d'intrigues imprevues et de stupefiantes solutions. Cela n'a pas gache mon plaisir, le style de Couto pardonne tout. Mais a ceux qui seraient interesses je conseillerais plutot "L'accordeur de silences", qui est une vraie merveille. Il laisse dans une certaine ombre ce livre-ci, malgre tous ses poisons et ses remedes.

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