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Critique de Lamifranz


« Trois amours » (1932) est le deuxième roman écrit par A.J. Cronin, juste après « le Chapelier et son château » (1931). Dans ce premier roman, il dévoilait déjà toutes les qualités qui allait faire le succès de son oeuvre : une observation à la fois rigoureuse et compatissante de ses contemporains, un souci de l'équité sociale, de la tolérance religieuse, un attrait pour les personnages bousculés mais animé d'une volonté d'aller en avant, et déjà plusieurs thèmes récurrents comme l'Ecosse ou la médecine (ce dernier sera plus sensible dans les romans suivants).
Il fallait, avec « Trois amours », transformer l'essai que constituait « le chapelier et son château ». le roman est toujours centré sur un portrait, mais au lieu d'un chapelier tyrannique et franchement antipathique, nous avons ici celui d'une femme, Lucy Moore, certainement plus sociable, mais d'un profil psychologique particulier : femme de caractère, en voulant trop bien faire, elle crée le malaise et le malheur autour d'elle. le roman raconte comment, pourvue au départ de trois amours, solides et incontestés (son mari, son fils et sa foi chrétienne), elle les perdra tous les trois…
Lucy Moore est ce qu'on appelle une maîtresse femme. Elle gère sa famille et son foyer de la meilleure façon qui soit (la sienne) et veut le meilleur pour son mari et pour son fils. Par exemple, elle manoeuvre pour que son mari devienne l'associé de son patron, mais la soirée prévue pour parvenir à ce résultat est un fiasco, dont son mari la tient responsable. du reste, il ne tarde pas à quitter le domicile familial, avec Anna, sa propre cousine. Les deux amants meurent tragiquement lors d'une balade en mer. Indirectement, responsable de ce drame, Lucy ne se remet pas en cause ; aussi fière qu'entêtée, et, reconnaissons-le, avec un certain courage à une époque où les femmes ne travaillaient pas, à l'exception des moins fortunées, elle reprend le travail de son mari, afin d'aider son fils dans ses études de médecine. Elle travaille dur, économisant sou sur sou, refusant chez le dentiste une anesthésie pour se faire arracher deux dents, parce que trop cher, elle devient un père Goriot au féminin. Mais comme chez Balzac, elle tombe sur un ingrat, s'en va avec une « fiancée » qui ne plaisait pas à Lucy. Après ce deuxième amour perdu, et sans guère de ressources, elle se tourne vers Dieu et s'enferme dans un couvent en Belgique. Mais la vie monacale, assortie de religieuses acariâtres, violentes et sadiques, ne lui convient pas du tout et elle s'enfuit pour retourner en Angleterre, où son destin l'attend.
Lucy Moore est un personnage terriblement pathétique qui évolue dans le roman de façon très significative, au fur et à mesure qu'elle est déçue dans ses amours : femme forte et déterminée, elle pense pouvoir encaisser les coups, et au besoin les rendre. Mais il n'en est rien : elle ne peut rien faire contre la trahison de son mari. Alors qu'elle se transforme par amour maternel en Père Goriot et en Fantine, elle ne peut pas prévoir l'ingratitude de son fils ; enfin le recours qu'elle cherchait dans la foi lui est refusé par le caractère hostile et agressif de ses soeurs en religion.
Cronin nous livre ici un roman noir, à travers le portrait d'une femme que sa fierté et son aveuglement ont conduit à une déchéance inéluctable. Pourtant, malgré tous ses défauts, nous ne pouvons pas en vouloir à Lucy, encore moins nous dire que « c'est bien fait pour elle ». Non, nous ne pouvons que la plaindre dans son malheur. C'est ce que nous invite à faire l'auteur. On trouve ici beaucoup de choses qui étaient déjà dans « le chapelier et son château », la compassion n'est pas la moindre. Et c'est un élément qui est présent dans tous les romans de Cronin.
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