AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Diabolau


Début 2015, en voyage au Pays Basque, j'avais visité Ciboure et photographié ce panneau à l'usage des touristes accroché sur l'église St Vincent : "(...) l'église était entourée de deux cimetières, dont l'un réservé aux cagots, nombreux à Ciboure. (...) Les cagots accédaient à l'intérieur de l'édifice par une petite porte située au fond de l'église et possédaient leur propre bénitier. (...)"
C'était la première fois que je rencontrais ce mot de "cagot", et à ce stade rien ne me permettait encore de savoir de qui il s'agissait exactement. Sans doute une caste à part, mais après tout cela pouvait autant être des privilégiés que des laissés pour compte.
J'ai attendu d'être rentré chez moi avant de me renseigner plus avant (il n'y avait pas la wi-fi dans l'appartement pour la petite histoire) et j'ai découvert cette discrimination et son ampleur avec un brin de stupéfaction.
Alors quand j'ai vu passer ce bouquin dans la sélection Masse Critique de Babelio (merci à eux et aux éditions Cairn pour cet envoi), je me suis dit que c'était une excellente occasion d'approfondir le sujet.
Disons-le tout de suite parce que ça peut en calmer plus d'un : ce n'est pas un ouvrage de vulgarisation, mais bien un livre d'histoire, il en a toutes les caractéristiques, tant sur la rigueur que sur l'académisme. Une lecture exigeante, donc, mais qui n'en est pas moins intéressante.
On a vraiment le sentiment d'exhaustivité quand on referme ce bouquin : B. Cursente le commence aux plus anciennes sources connues du crestianisme vers l'an 1000, pour finir avec les adaptations cinématographiques et les spectacles vivants du XXIe siècle. Il passe en revue à peu près tous les ouvrages écrits sur le sujet (et leurs auteurs), tente humblement d'en trier le bon grain de l'ivraie, n'affirme rien dont il ne puisse être sûr, et prévient d'emblée : ce n'est pas la quête des origines des cagots. Et pour cause : comme sur de multiples autres sujets historiques, il faut tout simplement reconnaître qu'il est maintenant improbable que l'on détermine ces origines un jour avec certitude. Tout au plus peut-on repousser sans trop craindre de se tromper les hypothèses les plus fantaisistes, et retenir la plus vraisemblable : la ségrégation des malades de la lèpre, cette maladie qui faisait des ravages au début du second millénaire. C'est la conclusion assez rapide de B. Cursente et ses arguments sont pour le moins convaincants. Passé ce postulat, il va nous faire traverser les siècles jusqu'au XIXe, qui sonne (enfin, serait-on tenté de dire) le glas de cette discrimination, décrivant et analysant avec rigueur l'évolution de ces pratiques discriminatoires, et montrant à bien des reprises – ce qui m'a surpris – un pouvoir royal éclairé et poussant ces malheureux vers l'émancipation, tandis que les notables locaux, eux, n'auront de cesse de résister aux ordonnances et de braver la justice pour tirer encore et toujours leurs boucs-émissaires vers le bas, comme s'ils en avaient à tout prix besoin pour se sentir supérieurs à quelqu'un.
La lèpre, origine probable de cette mise à l'écart, avait disparu depuis 300 ans qu'il était toujours interdit de toucher des descendants sains depuis des générations et attestés comme tels par la médecine, et même de les regarder dans les yeux, et c'est sans doute cela la terrible leçon qu'il y a à tirer de cette histoire. Qu'est-ce qui pousse l'homme à discriminer son prochain ? Est-ce bien le "maléfice", quel qu'il soit, qu'on lui prête, ou le besoin irrépressible de faire partie d'une élite, même fondée sur du vent ?
Commenter  J’apprécie          50



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}