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Critique de Phil56


Il était une fois Alexis Curvers, écrivain wallon liégeois et fier de l'être.
La mémoire du temps ne retiendra, sans doute, que son chef-d'oeuvre Tempo di Roma auréolé de prix et magistralement adapté au cinéma en 1963 par Denys de la Patellière.
Osez sortir des sentiers battus et partez donc à la découverte de ce livre de "jeunesse" au parfum un peu vintage (qui sort en juillet 1939 chez Gallimard).
Sur base de quelques rares indices, nous sommes vraisemblablement à Liège au tout début des années trente du siècle passé (approximativement de septembre 1931 à avril 1933 : la grande grève générale du bassin industriel et minier wallon de 1932 y étant implicitement évoquée).
Le narrateur nous convie à faire la connaissance d'une famille de la petite bourgeoise commerçante durement touchée par la crise économique (les COLBAT : un patronyme hautement symbolique s'il en est).
- Gaston : le père autoritaire voire tyrannique mais impuissant à être vraiment respecté, simplement crédible ;
- Irène : la mère : soumise, résignée, prématurément fanée ;
- Henri/Yvonne/Gustave : la fratrie (jeune adulte à grand adolescent) entourée d'une cercle de connaissances et d'amis parmi lesquels se détachent Isabelle (affectivement proche d'Henri), François (fils de banquier, un peu dandy, faussement bohème), Jean-Louis (amoureux transi, moralement et idéologiquement perturbé), Hyacinthe (jeune professeur de français, plutôt non-conformiste, collaborateur à des revues, songeant à des oeuvres plus importantes, démissionnaire de son poste d'enseignant autant qu'il en est éconduit = avatar fictionnel d'Alexis Curvers ?).
Tout ce petit monde, en rupture par rapport à un environnement "attristant", en recherche du "subtil", se retrouve au tea-room où, le dimanche, un modeste orchestre invite les clients à danser.
Tuant leur ennui, trompant leur mal-être, cultivant quelques rêves chimériques, ils aspirent à être des "types dans la vie", autrement dit, des êtres décidés et agissants.
Se développent ainsi des amitiés circonstancielles, souvent éphémères, rarement durables, des amours ébauchées, contrariées, déçues ou vouées dès le départ à l'échec et virant au tragique.
Peu à peu, subrepticement ou plus brutalement, leurs chemins se séparent : exil parisien pour l'un, fugue anversoise pour l'autre, reste la soeur, potentiellement la plus prometteuse, mais, parce que femme, condamnée à se trouver un mari ou à oeuvrer "vieille fille" à quelques associations de bienfaisance.
Atmosphère familiale mortifère, solitude terrible de l'adolescence, conflits de génération, différences de classes sociales, ... : rien de particulièrement original me direz-vous.
Certes, avec le recul du temps, cela peut paraître un brin désuet (old- fashioned) mais, quelle belle écriture, recherchée mais sans ostentation, élégante voire érudite mais sans formalisme ni esthétisme gratuits.
Cet art du bien écrire, de ciseler une phrase en usant de mots adéquats, a trop tendance à se perdre en ces temps de l'immédiateté, du prêt-à-mâcher littéraire.
A lire ou à relire avec plaisir.

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