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Critique de cprevost


C'est une très mauvaise idée, espérant transmettre une émotion qui sourdrait magiquement d'un travail intellectuel, de demander à un auteur en sciences sociales de procéder sur le pouce à une approche sensible, émotionnelle d'une question théorique. Les Éditions « Les Liens qui libèrent » dans leur nouvelle collection « Trans » ont envisagé ainsi avec François Cusset, à tort et à travers, le premier confinement. Cela évidemment donne une très médiocre littérature.


Il est naturel que prenant fait et cause pour les plus seuls et les plus fragiles, François Cusset applique à sa vision du premier confinement des critères de la classe dite « urbaines éclairée » à laquelle il se réfère exclusivement et qu'il prenne parti pour les plus faibles du point de vue de cette seule fraction de la petite-bourgeoisie. Ses toutes premières pages du préambule analysent pourtant avec pas mal de sagacité les discours ambiants d'alors – journalistes, sondeurs, psy, gourous illuminés de l'épanouissement perso, écrivains en vogue – qui, puisque l'inédite maladie imposait la plus grande prudence, disait du premier confinement des choses grossières et toutes dans le même sens. Il met à nu les interprétations monovalentes et souvent définitives, qu'elles soient légalistes : le confinement mal nécessaire ou qu'elles soient au contraire critiques : le confinement mal supplémentaire. Il repère également quelques génies faiseurs de lois, imposteurs d'écrans qui profitent de la pandémie pour accaparer nos vies et quelques autres libérateurs, adverses qui au contraire profitent d'elle pour reprendre vie et lâcher prise. François Cusset montre de façon certaine les effets contrastés du repli, du recroquevillement : états de malaise indéfinissable, d'angoisse, d'excitation, de mauvaise humeur et de panique mais sans doute aussi de douceur et d'abandon. Dans les semaines hors du temps, François Cusset toutefois ne sent, ne pense, ne vit rien. A en juger d'après le contenu concret de son livre, dans son monde empêché où les pixels et le fatalisme, les violences indifférentes et les réseaux d'éloignement ont désensibilisés, détachés de la douleur et des extases, on maintient à l'identique des modes de vie petits-bourgeois et avec eux d'ancien égoïsme de classe. le premier confinement de ce petit monde de l'auteur est de ce point de vue un absolu non-évènement qui se repère infailliblement à l'absence totale de tournant et de mouvement qu'il provoque dans l'ordre des corps, des discours et des perceptions. Ce petit monde relégué à la sphère privée est à la fois narcissique et réactionnaire. Avec le premier confinement hors de toute durée, le bourgeois voit agréablement le temps disparaitre, se suspendre, les échéances s'estomper, le calendrier se desserrer ; il peut, l'heureux homme, céder à la tentation, tout lâcher, sortir du cadre protégé du monde qui ne le voit plus et qu'il ne voit plus ; il peut jouir du charme du décalage sans risque où tout se passe comme si les rapports à tout n'avait pas assez changé pour qu'un autre monde que le sien advienne mais suffisamment pour qu'il ne reconnaisse rien ; tandis que pour le membre des classes populaires naturellement, c'est tout le contraire.
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