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Critique de Henri-l-oiseleur


L'épuisement intellectuel ne menace pas le lecteur qui termine ce petit roman (que publie - tout de même -, la "collection blanche" de Gallimard), mais l'ouvrage ne manque pas de charme. Catherine Cusset précise qu'elle n'écrit pas une biographie de David Hockney (avec la discipline, la rigueur, l'exhaustivité documentaire que cela demande), mais un roman. Son entreprise romanesque - plus facile à faire qu'un vrai travail monographique - a pour personnage un homme réel et un artiste connu et vivant. Cette "envie de l'auteure" est justifiée en page une par son intention de faire participer le lecteur à la vie de son personnage (il est bien connu qu'à la lecture d'une biographie, on ne participe pas). Mais alors, puisque roman il y a, où placer la fiction et la distance critique sans lesquelles il n'y a pas de vrai roman ? La vie réelle de David Hockney est un roman rose : tout lui sourit (malgré peines de coeur et épidémie de sida), il obtient la reconnaissance et même la richesse assez vite, il vole de Londres à Los Angeles, New York, Alexandrie, Glyndebourne, Paris VI°, Cadaquès, où partout l'attendent amis, admirateurs et amants, belles maisons, hôtes beaux et charmants, ateliers. C'est la bonne idée du roman de Catherine Cusset : peindre un artiste heureux, et non un "suicidé de la société" (encore !) ni une géniale victime maudite de la bourgeoisie (Hockney intègre assez vite l'homo-bohême intellectuelle fortunée des années 60). Intéressant roman : on associe trop souvent le génie au malheur (un critique new-yorkais éminent trouve l'oeuvre de Hockney secondaire et faible parce qu'elle est heureuse et éclatante). Mais aussi inquiétant roman : l'édition prestigieuse où il paraît et les compliments de France-Culture, radio de la culture d'Etat, sont de mauvais signes ; David Hockney - malgré la spontanéité et le sens du travail qui l'animent - préfigure ces "artistes" contemporains jet-setters à millions et gloire internationale, qui font faire à des ouvriers sous-payés des oeuvres-concepts gonflables et gigantesques dont il se dira tout le bien qu'il faut sur les chaînes, en méprisant le peuple qui n'y comprend rien (voir "Paris-New York et retour" de Marc Fumaroli à ce propos). Voilà donc un roman symptôme, agréablement, platement écrit, résolument a-critique, idéal pour France-Culture et sa vision de l'art comme champ de pavots et salle de shoot. "Perso", j'aime mieux Nicolas de Staël, même suicidé.
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