« Elle me raconta être née de la mer, dans une ville portuaire où le vent salin s’abattait sans jamais s’essouffler. Enfant, elle traînait en bordure des quais, nageant dans des eaux poissonneuses et se faufilant entre les filets. Le goût salé des larmes lui était familier. Elle avait la connaissance du large ; elle savait lire les signes qui prédisent la tempête ou précèdent l’embellie.
‘Les débordements finissent toujours par s’apaiser. Tout comme les cycles lunaires commandent les marées. On n’y peut rien.’
Après plusieurs mois en compagnie de cette femme poisson, je n’avais plus le coeur à l’averse. Elle avait eu du souffle pour deux jusqu’à ce que je reprenne le mien.
Sans trop le savoir, nous étions doués pour vivre ensemble. Peu portés vers l’abondance, nous ne possédions que peu de choses. Notre barda se composait, selon nos critères, de l’essentiel.
Nous possédions le bonheur à petite échelle : le rire, un café chaud, le désir et un lit douillet.
Je m’employais chaque soir à rendre plus adhérant le mortier qui me liait à Carole. L’amour est une pâte, l’écoute et la tendresse sont les mains qui la pétrissent. Je veillais à ce que nous restions confortables, bien au chaud et à l’abri dans ce beau pétrin. » (p. 13-14)
Dépression ou pas, les sentiments humains ne chôment jamais.
Nous possédions le bonheur à petite échelle : le rire, un café chaud, le désir et un lit douillet.