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Critique de enkidu_


Par la médiation de ce "manifeste", Alain Daniélou nous appelle à retourner à la "Tradition primordiale" - son expression -, celle que l'homme a fait sienne depuis le Néolithique (plus ou moins six mille années précédant Jésus-Christ), avant que les modes de pensées "de cité" (jaïnisme et bouddhisme en Inde et autres monothéismes sémitiques) l'ait désabonné à ce courant : le shivaïsme-dionysiaque.

Ce mode de pensée et de pratique s'articule autour de l'individu "atomisé", donc non pas anthropocentrique, mais, plutôt, qui s'intègre dans la réalité cosmique autant que sa propre réalité subtile ; aussi, il bénéficie d'une cosmologie (sâmkhya) et d'une méthode (yoga) qui, respectivement, défrichent son macrocosme et son microcosme - notre corps n'est qu'un correspondant organique de ce qui nous entoure, du minéral jusqu'aux orbites célestes.

Selon l'auteur, qui convoque de nombreux exemples historiques, archéologiques, religieux, ... (culte du phallus "shivaïque" - les menhirs universels, épigones du lingam -, du serpent, du taureau ou bélier, de la Déesse-Mère, ...), cela a été la règle dans la religiosité de l'humanité que d'être en communion avec les pierres, les plantes, les animaux, ... ou encore que de prendre son corps comme un viatique de connaissance - sublimé par le tantrisme, qui fait de la jouissance purement sexuelle (et non reproductrice !) une gnose - mais cet ordre somme toute naturel (on pourrait dire "édénique") a été bousculé en notre ère de décadence, que les Indiens appellent Kali-Yuga, où toutes les balises traditionnelles se voient répudiées ; aussi, pour répondre aux impératifs du monde "moderne", et les crises qui l'accompagnent, l'indianiste nous propose - tel Julius Evola, qu'il cite abondamment - de revenir au shivaïsme-dionysiaque, par le Sâmkhya, Yoga ou Tantra (qui "lie" les deux), car ce "système" possède déjà, en lui, les réponses à nos crises actuelles, de l'écologie jusqu'à notre vision de la science, en passant par notre vision de la sexualité (la sortie du livre n'est pas étrangère au mouvement "hippie"), puisqu'il est, par nature, polythéiste, ou, plutôt, accepte la multiplicité théophanique de l'Unité qui Se répand ; et donc, comme on pourrait le dominer, Alain Daniélou n'est pas tendre avec les monothéismes, c'est impérialismes de l'Un qui seraient - selon lui - des couvertures pour cacher des velléités guerrières et autres impérialismes culturels... il laisse pourtant respirer le christianisme, qu'il pense être anti-christique (qui, lui, serait au contraire "dionysiaque"), et qu'on pourrait le "sauver" si on le dépollue des influences théologiques pauliniennes et, plus tard, des récupérations politiques depuis Constantin, ceux des mouvements le transmutant en une "religion de la cité" là où elle était, avec le Christ "authentique", shivaïque et dionysiaque, c'est-à-dire une spiritualité de la nature.

Comme on peut le deviner, ses interprétations pourraient ne pas résonner avec l'avis de beaucoup - surtout celle sur le "mélange des races" - mais sa perspective a toutefois le mérite d'être allaitée par une érudition protéiforme certaine, et qui mérite plus qu'un détour.
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