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Critique de colimasson


Lorsque les occidentaux s'intéressent à un truc qui n'a pas poussé sur leur sol, ce n'est jamais pour de nobles raisons. D'ailleurs, si les orientaux pouvaient eux aussi s'intéresser à quelque chose qui ne vient pas de chez eux, on devrait aussi se méfier. Mais nous parlons ici de bouddhisme et il nous échoit de respecter le thème.


Le Bouddha est devenu à la mode chez les occ. en plein contexte de déchristianisation. le voyage l'ayant rendu aseptisé et lisse comme les révolutionnaires de 1789 et des époques suivantes, on ne retint de lui que les caractères qui allaient servir du mieux que possible à appuyer les velléités de laïcisation du moment. A la poubelle tout ce qui était bizarre et qui rappelait l'irrationalité de nos textes religieux les plus poussiéreux. du neuf ! du faux ! Une répétition qui n'ait pas l'air d'en être une. Bouddha comme porte-parole des idées laïques dans l'air du temps, cela impliquait de faire l'impasse sur toutes les données qui ne confirmaient pas l'idéologie scientifique, complémentaire de l'idéologie laïque, instruments toutes deux du mythe moderne du progrès. On minimisa donc l'importance de certaines petites histoires comme celle selon laquelle Bouddha serait né de l'aisselle de sa mère, qu'il aurait affronté des démons pendant la nuit qui précéda son éveil, qu'il n'en avait rien à foutre d'abolir ou non la société des castes, qu'il n'a pas laissé d'enseignements écrits, qu'il a suscité des courants doctrinaux divergents et parfois élitistes, qu'il répugnait aux illusions vectrices de contentement personnel, etc. Bref, on passa sous silence quelques éléments biographiques qui auraient pu laisser planer le doute que Bouddha n'était pas aussi cool qu'on l'aurait aimé. Qu'il rappelait même, par certains aspects, la vieille injustice judéo-chrétienne.


Non seulement les occidentaux ont retenu ce qui leur plaisait de ces histoires pour soutenir leurs propres mythes civilisationnels qu'ils ne reconnaissaient plus comme tels mais, de plus, quelques orientaux plus malins que les autres, disons ceux qui d'entre eux avaient commencé à flairer le bon filon et qui connaissaient suffisamment bien la mentalité occidentale pour la caresser dans le sens du poil, contribuèrent à l'adaptation nullivore du Bouddha aux attentes républico-fraternelles de la démocratie nouvelle. L'histoire est bien sûr plus compliquée que ça, et Marion Dapsange l'explique bien, car enfin, ces orientaux-là ne se seraient jamais intéressés à l'ignorance métaphysique des occidentaux s'ils n'avaient pas été forcés de plonger la tête à plein nez dans le bousin.


Même les gouvernements occidentaux commencent à s'intéresser au phénomène puisqu'ils investissent du fric (sans doute beaucoup plus que la raison ne l'exigerait) afin d'évaluer l'efficacité scientifique de la pratique de la méditation. le Mind and Life Institute s'est creusé la ciboulette, se demandant si la méditation avait des effets positifs sur la santé, et s'est emparé du tibétain comme prototype de l'homme parfait dont l'humanité aurait besoin pour assurer la survie de son espèce. Il devrait être évident que lorsqu'une espèce s'inquiète au sujet de sa survie, elle est bonne pour le crématorium. Si on entend parler de cette branlette méditative de Causette à Causeur, on entend en revanche beaucoup moins parler de la méta-analyse (« Meditation Programs for Psychological stress and well-being », Comparative Effectiveness Reviews, n°124, 2014) portant sur près de 20 000 études cliniques et scientifiques et concluant à l'inefficacité de la méditation en termes de réduction du stress et de l'anxiété tels qu'ils se développent dans nos fringantes start-up créatrices de bore-out. Chut, il faut créer de nouveaux emplois dans les entreprises.


Qu'ont-ils fait du bouddhisme ? nous demande M.D. Ils en ont fait autre chose mais en gardant le même nom. Difficile d'inventer encore quelque chose de nouveau. Il y a déjà tant de films, de livres et de bandes dessinées. L'avantage du faux bouddhisme, c'est qu'il permet à de fausses personnes de s'intéresser au faux amour. Son désavantage, c'est tout ce que l'on peut induire de la phrase précédente.
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