Mais tout ça, on l'analyse après, pas sur le moment, parce qu'il n'y a pas de moment justement, pas d'arrêt sur image.
D'un souffle, d'un sourire, d'une expression aussi bonimenteuse que "bon anniversaire mon chéri !" en plein naufrage. On devrait pouvoir jeter aussi "bonne maladie !", "bonne mort !", "bonne vie de merde !".
Forcément, trois fois ça crée des habitudes, l'expérience
de la procédure : pompiers, pas pompiers,
Samu, ambulance et pourquoi pas police ? Non,
maintenant lui et moi savons, Samu, en cas de désaccord.
Sinon, comme ce soir, nous nous sommes
entendus pour partir avec ma voiture.
En attendant le moment, je nettoie l'innommable
marigot de mégots et d'alcool coulé sur le sol. Ensuite,
nous irons tranquillement. C'est comme pour un
accouchement, si on arrive trop tôt, on attend et c'est
embêtant et si on arrive trop tard, c'est trop tard, il n'y
a plus le motif et Nathanaël ne voudra plus. La bonne
période c'est dans une demi-heure. Avant quoi, je
range de-ci de-là et mon fils tangue sur son corps de
coton, affairé dans sa trousse de toilette à préparer
quelques affaires pour pouvoir se raser demain. Se
raser, se laver et se changer aussi, parce qu'en psychiatrie,
on ne met plus de pyjama. On s'habille, on fait la
vie comme dehors. Comme si on y était, dehors.