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Critique de colimasson


René Daumal connaît la nature du rire absurde en sa qualité de pataphysicien et il sait que ce n'est pas drôle. C'est pourquoi on peut en rire tout le temps, avec force et méchanceté, jusqu'à sentir passer sur sa peau « le granuleux hérissement du sublime ».


L'essai consacré à Spinoza (« le non-dualisme de Spinoza ou la dynamite philosophique ») nous aidera à mieux comprendre cette position limite, menaçante comme une crise épileptique. Il suffit de se souvenir que Spinoza a écrit : « L'âme en effet éprouve la Joie lorsqu'elle agit, c'est-à-dire lorsqu'elle connaît, et la Tristesse lorsqu'elle pâtit ». La joie ne doit pas être confondue avec le plaisir. La joie naît dans les souffrances de la connaissance. Elle est absurdement voulue malgré les souffrances mais se révèle savoureuse à un degré extatique que jamais les plaisirs subis ne sauraient égaler. Voilà ce qu'est la joie : la souffrance dans le but de connaître. Ce n'est pas une joie drôle, c'est le rire terrible qui veut faire éclater le scandale : l'humanité a appris le langage pour dissimuler ses angoisses. Oui, le langage ne serait qu'un lénifiant sans valeur, dévitalisé, abandonné aux bavards ensommeillés :


« Et si à nous autres pataphysiciens le rire souvent secoue les membres, c'est le rire terrible devant cette évidence que chaque chose est précisément (et selon quel arbitraire !) telle qu'elle est et non autrement, que je suis sans être tout, que c'est grotesque et que toute existence définie est un scandale. »


Lui, René Daumal, joue au « Grand jeu » sans règles et danse avec toute l'énergie flamboyante non de son corps -perdu à ses origines animales- mais de sa poésie, qui devrait être à l'image de ce déchaînement primaire. Forces tribales qui ne représentent pas la sympathique et naïve enfance des civilisations, ainsi qu'ont voulu nous le faire croire certains critiques d'art lorsqu'ils ont découvert les objets nègres, mais la violence sans mots de la vie.


« […] fourrez donc seulement la tête dans cette tête en viande d'arbre et en ficelle, pour voir du point de vue des millénaires ici présents, pour voir du point de vue du bout de bois, du dedans du dedans, du dehors du dehors […]. »


René Daumal donne le tournis et à la fin de la voltige, lumière : quelques réseaux de compréhension se seront retrouvés. La sauvagerie devient véritablement sublime, peuplée de ses arbres tortueux, de ses animaux charognards et de ses peuplades primitives, et nous fait regretter de n'être qu'un animal domestiqué.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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