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Critique de Crossroads


17 avril 1950 . Nouveau jour de greve à Brest . Nouveau défilé réprimé, cette fois-ci , dans la violence et dans le sang . Les armes ont parlé coté policier . Les hommes sont tombés rue Kerabecam . L'un d'entre eux est mort . Edouard MAZE , jeune ouvrier du batiment et militant CGT , est abattu par les forces de l'ordre d'une balle en pleine tete .

C'est dans un Brest meurtri , au climat politique et social tres tendu , que l'histoire prend sa source . La grande guerre a littéralement défiguré cette grande ville naguere portuaire . Tout est à reconstruire . 1950 . Les ouvriers , sous-payés , entassés dans des baraquements inconfortables et insalubres , votent alors la greve générale . Viennent s'y greffer les dockers , pour des raisons similaires . Ces derniers refusant désormais d'affreter les navires en materiel de guerre afin d'aller alimenter un conflit qui fait rage en Indochine .

Un homme est mort , c'est également l'histoire d'un film , tourné sous le manteau , au pouvoir aussi transcendant sur les grévistes qu'ephemere dans son existence . René VAUTIER , cinéaste engagé ayant tourné en Afrique Coloniale, en Irlande , et alors recherché pour attitude subversive , sera en charge de décrire , avec la justesse qui le caractérise , les évenements tragiques et leurs conséquences dans un Brest d'apocalypse . C'est affublé de P'tit ZEF et de Désiré , sortes d'auguste et de clown blanc , qu'il s'en affranchira brillamment pour devenir le témoin priviligié d'une ville exsangue , d'une époque . Son arme : une vieille caméra au son récalcitrant .

Un récit véridique superbement décrit et maitrisé de bout en bout . L'empathie gagne immanquablement pour une cause qui sonne juste . L'on suit , pas à pas , les pérégrinations de nos trois " héros " et leurs difficultés à tourner un film , le monter , le diffuser subrepticement , nuit apres nuit , aupres des grevistes faisant le piquet afin de les galvaniser et les conforter dans leur combat . Un récit tour à tour touchant , dur , poignant mais comportant de réelles envolées lyriques . Les images , auxquelles l'on a accolé le texte d'Eluard , se confondent en un veritable moment de grace . L'humour n'est pas exempt . P'tit ZEF , sorte de titi Breton , n'a pas son pareil pour nous faire passer de l'émotion au rire .
Mais une histoire , aussi puissante soit-elle , ne tiendrait pas la route sans un coup de crayon et un encrage raccords . Là encore , c'est tout bon . Des dessins qui , sans forcément etre léchés , possedent une puissance évocatrice incroyable ! Des mises en page audacieuses rendent ce récit fluide et nerveux tout en instaurant une trame dramatique de tous les instants . Les couleurs pastels assurent le petit coté rétro de la chose . Elles détiennent également le pouvoir de vous inoculer , sans avoir l'air d'y toucher , mélancolie et morosité...
Les révélations sont nombreuses et accréditent un réel travail de recherche de pres de 4 ans de la part de Davodeau ! L'on apprendra , ainsi , qu'un arrété municipal aurait été voté et antidaté afin d'interdire cette nouvelle manifestation . L'on découvrira l'ingéniosité de l'humain pour diffuser un film en s'adressant au plus grand nombre ...
A noter , pour la petite histoire , que suite à ces évenements , l'abbé Pierre démissionnera du MRP ( mouvement républicain populaire ) dont il était l'un des députés . Pour couronner le tout , les auteurs se sont également fendus du récit Historique et de la génese de ce bouquin en fin d'album . Complet de chez complet les gars !

Un homme est mort est une BD qui prouve , si besoin était , que l'on peut allier pédagogie et divertissement avec talent !
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