Je vais tout de suite mettre en avant le principal défaut du livre : il est bien trop court ! 300 pages seulement pour ce one-shot : on aurait facilement pu avoir le double voir le triple tant la matière est riche.
Il faut aller au-delà du titre qui fait référence aux travaux d’Ersnt Kantorowicz sur la monarchie française. Après "le Rouge et le Noir" de Stendhal, voici "le Rouge et le Vert" coécrit par Ugo Bellagamba et Thomas Day : la synergie entre les styles et les thèmes forcent le respect car l’alchimie fonctionne à merveille.
Le Rouge :
Déméter, le roi Yskander, le poète Égée, le contrebandier Solon, le rebelle Thésée, le collabo Aristote, l’Exécuteur Ixion, le navire Odysseus, l’armure Héraklion, la Phuséios Théias… et la caste guerrière des Magmatiques qui fait indubitablement penser aux armées romaines !
Ugo Bellagamba aime l’Antiquité et cela se voit !
Le Vert :
La Canopée, la Sylve, les strates herbacées, les strates arboricoles, les villarbres, les fougères détrempées, les sous-bois chargés d’humidité… et cette immense verte dans laquelle vont se perdre les personnages fait indubitablement penser à l’Amazonie !
Thomas Day a aimé les forêts tropicales et cela se sent !
Et pourtant on est très loin d’une "Forêt d’Emeraude antiquisante à la sauce fantasy.
Les images se bousculent dans ma tête : Alexandre le Grand, François Ier, Henri IV, Louis XIV, Napoléon III, le Général Boulanger, Charles de Gaulle, Jean Moulin, le Maréchal Pétain…
Un roman très politique donc très politisé ! Mais il est aussi psychologique avec les plongées introspectives dans les pensées de personnages souvent déchirés. Mais il est aussi écologique : doit-on adapter l’environnement ou s’adapter à lui ? Les tribus de la Sylve sont finalement plus proches des insectoïdes eizihils du Désert de Sel que de leurs congénères Thaumaturges.
Quand à l’univers : Antiquité ou Renaissance ? Bronzepunk ou Clockpunk ? Difficile de trancher ! Armures mécaniques, armes à feu ou incendiaires, chimères cristallines changeformes, navires à vapeurs, submersibles, engins volants… sans parler des généticiens canopéens et de la surpuissante Héraklion !
Le livre est divisé en 3 parties, qui aurait pu chacune avoir vocation à constituer un roman entier :
Tout commence avec un souverain éclairé qui veut amener son peuple vers la modernité et la prospérité : annulation des dettes paysannes, redistribution des terres arables, fin des monopoles nobiliaires, création d’une assemblée du peuple… déplaisent fortement aux classes privilégiées qui sont persuadées qu’il n’existe rien de plus dangereux que d’élever le bas peuple au dessus de sa condition qui est d’obéir et de travailler sans broncher !
Les aristocrates arrivistes rêvent d’une oligarchie… Les prélats pervertis rêvent d’une théocratie… L’appât du gain étant leur seul motivation, les élites conservatrices s’allient pour soutenir le programme de Révolution Nationale d’un pervers narcissique qui ne rêve que d’une monarchie absolue qui amènerait une nouvelle ère de grandeur (la sienne bien sûr, les autres n’existent que pour servir ses ambitions).
I) L’Avènement d’Absû Déléthérion = Coup d’Etat
la facilité avec laquelle les classes dirigeantes et les élites fortunées retournent leur veste pour protéger et renforcer leurs petits intérêts bien calculés me dit que les prochaines années ne vont pas être drôles
II) La Vengeance d’Egée Seisachtéion= Résistance
Après avoir atteint les profondeurs de le Sylve pour retrouver l’héritière d’Yskander, Egée lance vainement son appel du 18 juin avant de suivre les traces de Jean Moulin… dans une poignée de chapitres qui nous renvoient aux pires heures de notre histoire !
Les résistants défendent l’espoir d’un avenir meilleur au péril de leurs vies face à des collabos qui défendent leurs petites ambitions bien calculées au péril de leurs privilèges récemment acquis ou augmentés
III) Le Destin d’Eiroénée = le choc des civilisations
La machine de guerre steampunk de l’usurpateur affronte les 50 tribus et les Exécuteurs de l’Ashashin-Mayoud dans un énorme chapitre 17 où on est plongé dans une violente inouïe à travers les yeux de Thésée où l’important n’est pas de gagner mais de montrer jusqu’où on est capable d’aller pour ne pas céder.
On peut regretter les choix effectués qui nous parle d’héroïsme mais nous prive de véritable héros auxquels s’attacher avec cette structure tripartite et ses ellipses centrée sur 3 personnages différents mais semblables. Et attention aux scènes d’assassinats, de batailles ou de torture, qui n’épargne rien ni personne y compris le lecteur. Néanmoins un roman très original, très riche et très intéressant ! Enjoy
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