Alors, dans un instant aliéné, elle se laissa tomber sur les rails, légère comme un oiseau, caressant de ses ailes les bras de fer de son invité.
L’assassin ne s’attaque pas à n’importe qui, il prend son temps. Il semblerait qu’il savoure ce moment de « rencontre », avec les victimes.
Elle ne portait aucun bijou mis à part une alliance qui semblait incrustée dans son annulaire. Ses moments de répit, rien qu’à elle, elle ne les vivait que devant la télé. Elle dévorait sans compter toutes les séries américaines qui dépeignaient l’univers policier. Des séries qui lui retranscrivaient de manière édulcorée le monde dans lequel elle vivait, en tant qu’inspectrice à la Police Judiciaire Fédérale de Tournai. Alors elle s’imaginait à bord d’un jet privé, partant à l’aventure comme profiler pour le FBI ou comme experte en informatique pour décrypter les conversations cachées des détenus.
Les deux amants se laissèrent alors bercer par l’incessante mélodie de la douce pluie. Elle n’avait pas cessé de tomber et, au contraire, continuait d’effleurer nonchalamment les feuillages des arbres centenaires et la peau de leurs corps dénudés, créant une atmosphère féerique et divine à la fois.
Il était si doux, si attentionné, si passionnel. Maintenant, il n’était plus qu’une âme sombre, emprisonnée dans son propre corps.
Si seulement… si seulement rien de tout ça n’était arrivé, si seulement elle pouvait gommer le passé comme on gomme une phrase raturée. Juste un mot, juste une fraction de seconde, un mouvement. Remonter dans le temps, c’est tout ce dont elle aurait besoin pour récupérer l’homme qu’elle avait tant aimé.
Elle avait tout perdu en à peine quelques semaines. Ses repères, sa vie, son monde. À présent, elle se sentait vide et inutile. Elle ne faisait que penser à son existence et au fait que personne ne la pleurerait si elle venait à disparaître. Alors oui, plusieurs fois elle y avait pensé… elle s’était noyée dans l’alcool, dans les médicaments. Au péril de sa vie, au péril de sa mort, elle avait survécu.