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Critique de nadejda


Erri de Luca, emprunte à l'art du lapidaire et du graveur pour faire naître ses trente quatre textes ramassés, denses qui pourtant se déploient à la lecture pour laisser sourdre une émotion profonde. Il évoque sobrement les moments intenses qui ont émaillé sa vie de l'enfance à l'âge adulte.
C'est dans sa peau qu'ils sont inscrits avant de l'être sur le papier. Ainsi en est-il de cette jouissance solaire qui jaillit après une escalade lors de vacances sur l'île d'Ischia :
"Un jour, j'ai pressé ma semence tout seul par pur bonheur de solitude du haut d'un rocher que j'avais escaladé. Fatigué par la nage, raidi par le froid, j'étais monté tout en haut, là où il y avait des épines, des lézards, des crottes de mouettes et où la terre brûlait. Je m'étendis sur l'aspérité du sol et je fus pris par la chaleur du soleil au-dessus de moi et celle du terrain surchauffé.
Ma respiration se fit plus profonde, mon sexe se dressa fier et joyeux et la semence roula dans la poussière à l'aveuglette.
J'ai touché l'immense en peu d'espace, l'épuisement du corps et l'énergie absorbée par un fruit de mer." p 81

Il connaîtra un autre épuisement du corps à l'âge adulte quand il trimera avec d'autres dans les chantiers où la peur et le courage se côtoieront : "Une fois adulte, quand j'ai exercé des métiers manuels, j'ai appris quel genre de charge le soleil ajoute au dos de celui qui travaille dessous, combien il pèse sur l'effort et la durée de son passage du matin au soir. le soleil est un lest sur le corps d'un ouvrier courbé sur la terre et la mer."

De très belles pages sont consacrées bien sûr aux livres liés à l'évocation de ses parents qui tous les deux lisaient avec passion, à Naples, à la cuisine (son plat préféré, les aubergines à la parmesane qu'il s'abstient de manger depuis la mort de sa mère), à l'escalade dans les Dolomites, aux belles rencontres telle cette femme :
"J'ai vu un de mes livres dans les mains d'une femme. Elle était assise dans une voiture du métro, ses doigts serraient les pages pour les maintenir immobiles,ils les tournaient délicatement.
(...) Mes pages ont de la chance dans les mains de la femme assise. J'ai eu aussitôt envie d'en écrire une pour l'ajouter à la fin de son livre.
(...) Prises et retenues, ces pages sont plus à elle maintenant que lorsqu'elles étaient miennes auparavant." p 109-111

Contraste tout au long du recueil, d'un texte à l'autre oscillant entre l'ombre et la lumière, la joie et la peine qui accompagne chaque moment d'une vie. Le plus et le moins est bien le titre qui convient à ce livre où leur auteur préfère nommer les années de plomb marquées par la lutte armée, les années de cuivre, fil conducteur de cette énergie qui permet de transformer et éclairer ce qui est enfoui au fond de soi.


Et ceci qui pourrait être la conclusion de cette belle suite de textes :
"Je pratique l'escalade et je sais qu'un sommet atteint exauce un désir autant qu'il l'épuise. Tandis qu'il le porte à son comble, il le vide aussi. le profit et la perte coïncident. C'est ce qui arrive aussi avec les livres et avec tant d'autres histoires. Il reste la cendre résiduelle d'une lecture, d'un désir, engrais du suivant." p 164
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