AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de OverTheMoonWithBooks


Lorsque le gouvernement de Mussolini décide d'actualiser le code pénal, on prévoit de faire comme les voisins allemands : incorporer une loi discriminatoire contre les homosexuels. Que nenni ! rétorque Il Duce qui se justifie ainsi : " Nous n'avons pas besoin d'une loi pareille ! En Italie, il n'y a que des vrais hommes ! "

Pour cette bande dessinée, Luca de Santis met en scène un entretien qu'un journaliste avait eu avec un vieil homme sur son passé d'homosexuel dans l'Italie fasciste.
Deux histoires sont donc mis en scène : d'un côté celle de deux jeunes journalistes qui se rendent à Salerne pour rencontrer Antonio Angelicola, un septuagénaire aigri. Puis, il y a les souvenirs de l'homme, dans les années 1930, au moment où il vivait heureux, entouré par sa mère et son frère et travaillant comme tailleur dans la mercerie tenue par sa mère. Jusqu'au jour où … Ninella - comme on le surnomme à l'époque - se fait embarquer par l'OVRA, puis est condamné pour "crime contre la race" et part en "confinement" sur l'île de San Domino delle Tremiti. Officiellement, il est "déplacé" comme prisonnier politique.

En lisant cette Bd juste après " triangle rose ", je suis fascinée de voir à quel point la culture joue un rôle primordial dans le traitement d'un problème d'ordre "moral". Il y a bien sûr un dénominateur commun : le fait que l'homosexualité, dans les régimes fascistes, dérange la bonne société car dans un contexte où le sentiment (ultra) nationaliste est exacerbé, et bien ces individus manquent à leur devoir de faire grossir les rangs de la belle nation d'êtres supérieures ( ici, Italiens). Bien sûr, quand ils se font attraper ils se font tabasser - exercice de virilité oblige ! - et se font sermonner sur l'immoralité et la dangerosité de leurs pratiques.
Et côté italien, pour se débarrasser de ce problème gênant, on a la solution la plus simple du monde : on fait comme s'il n'existait pas ! Cela passe par la case : "on ne nomme pas" , puis "on les envoie loin" et enfin "on met une étiquette plus acceptable".

Le "séjour" sur l'île apparaît d'abord comme une espèce de colonie de vacances pour "tapettes", où se côtoient grandes follasses, travestis, tombeurs, prêtres, petits jeunes, etc avec de temps en temps des (vrais) prisonniers politiques qui demandent l'autorisation de venir pour se marrer un peu. Et petit à petit, on voit que les prisonniers sont soumis à un système de rationnement, qu'on leur donne un pseudo salaire (5 lires!) avec lequel ils doivent se laver, manger et s'habiller pour la saisons. le flirt est dans l'air, puis les tensions montent … et c'est le drame.

J'ai trouvé cette bande dessinée intéressante, dans la mesure où je ne connaissais pas le sujet, mais assez incomplète. L'objectif est de sensibiliser un large public à ce passage de l'histoire, et le côté trop "colonie de vacances" et Dolce Vitta entre amis ne m'a pas permis de saisir les enjeux de cette période. D'ailleurs, dans la conclusion (que ce soit celle de De Santis ou celle du "vrai" journaliste à la fin), il cite une phrase du vieil homme qui dit que beaucoup ont pleuré en quittant l'île car ils avaient été mis dans une sorte de cocon dans lequel ils étaient protégés des ragots, des regards, des médisances, de la culpabilité de mettre le "déshonneur" sur leur famille - car c'est ainsi qu'était considéré le fait d'avoir un fils homosexuel. Dans ce cas quelles conclusions tirées ? Qu'est-ce qui fait que ces hommes ont préféré oublié cette période de leur vie ? Je me doute qu'ils en ont souffert, mais la façon dont l'histoire est mise en scène met tellement plus en avant "l'insouciance" et le côté "festif" de ce confinement sur l'île que finalement, c'est ce qu'on retiens de mieux.

En ce sens, j'ai préféré triangle rose car cette bande dessinée faisait bien mieux la part des choses.
Commenter  J’apprécie          220



Ont apprécié cette critique (21)voir plus




{* *}