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Critique de Kenehan


"Wonder Woman : Historia" propose de remonter le temps bien avant la naissance de Diana Prince, à une époque où même les Amazones n'existaient pas.

Un temps reculé ancré dans une Antiquité mythique où les dieux sont maîtres de l'humanité, et les hommes ont l'ascendant sur les femmes. Sur l'Olympe, le panthéon féminin gronde face à tant de violences et d'injustices à l'encontre des femmes.

Opposées à un Zeus aussi tout-puissant que bouffi d'orgueil et de certitudes, les déesses, furieuses, décident d'agir d'elles-mêmes. Naissent alors les premières Amazones.

Ce récit qui revisite à la fois la mythologie grecque et celle de DC Comics, met en lumière un sujet d'actualité désormais prépondérant, à savoir la condition des femmes dans nos sociétés depuis des millénaires.

Dans son ensemble, le récit est magnifiquement illustré, malgré certaines inégalités, notamment lors d'un passage d'un livre à un autre. L'Olympe est aussi fastueux, débordant, riche de détails, coloré, irréel que le monde des humains est sobre, lisse et finalement ordinaire. En cela, les repères sont bien marqués et l'incursion du merveilleux (ou plutôt du mythique) dans le réel du récit fait toujours son effet.

Du côté des personnages, les déesses sont largement mises en valeur. Un soin tout particulier transparaît dans leur designs très détaillés là où les dieux se contentent le plus souvent d'une nudité relative parfois agrémentée d'attributs animals, peut-être pour souligner une masculinité désinhibée, primale et assumée. On notera d'ailleurs que le seul dieu qui échappe à cette règle, c'est Dionysos. Et finalement, ce n'est peut-être pas si anodin au vu du rôle qu'il joue...
A l'image de leurs déesses respectives, chacune des trentes amazones fourmille de détails comme le confirme le guide en fin d'ouvrage. Un travail poussé qui vaut plus pour le regard que pour son apport au récit.

Au sommet se dresse Héra dans toute sa magnificence. Elle est sublime dans ses apparitions, bien que plus terne dans le Livre 2. A bien y regarder, elle pourrait concurrencer Elizabeth Taylor dans le film "Cléopâtre" puisque à chaque nouvelle scène elle revêt une nouvelle tenue raffinée. de par son caractère et son traitement, c'est aussi une des plus intéressantes. Sa seule présence éclipse celle des autres et même Zeus, de toute sa hauteur divine, ne peut égaler toute la force qui émane de cette déesse pleine de fureur, de dignité, de retenue et d'intelligence froide.

L'édition est de qualité d'autant qu'elle va plus loin que l'histoire et propose d'intéressants bonus. Mon seul regret concernerait les doubles planches qui pâtissent de la reliure. On perd en confort et en aisance dès lors que l'on souhaite se perdre dans les détails ou savourer un plan d'ensemble...

Quant au traitement du sujet de fond, j'y mal interprétais, aux premiers abords, la mise en scène d'une justice archaïque, quelque part entre la loi du talion et les lois de Dracon, que les déesses feraient déferler sur le monde et les hommes au travers des Amazones. La temporalité antique s'y prête tout particulièrement. Mais par définition, la loi, c'est le pouvoir en place qui la détermine. Et ici, l'incarnation de la loi et de la justice, c'est Zeus. D'ailleurs, si les Amazones ont pour impératif d'agir sous le couvert de la nuit, c'est bien qu'elles sont hors-la-loi, tout comme leurs créatrices.

Par conséquent, ce n'est pas un récit sur la justice mais une histoire de vengeance. Un ras-le-bol, un débordement de fureur trop longtemps contenue à l'encontre des hommes impunis mais aussi de l'ordre en place. Et là, c'est tout de suite plus cohérent, notamment le passage à l'acte de Tarpeia ou le sort réservé au fils de Zeus.

Quoi qu'il en soit, répondre à la violence par la violence ne correspond pas à mon idéal du moment bien que je sois conscient de la jouissance qu'une telle vengeance puisse procurer et de la facilité avec laquelle on puisse y succomber. C'est souvent le premier désir que l'on éprouve à l'égard de celui ou celle qui nous offense, lui rendre la pareille et pourquoi pas y ajouter un petit extra. On en revient à la notion d'archaïsme, dans les nombreux sens du terme.

Et il semblerait que l'autrice Kelly Sue DeConnick ne soit pas dupe de la viabilité d'une vengeance en actes aussi sanglante. Violence contre violence mène à l'échec ou à l'extinction voire l'annihilation dans le cas des Amazones. Les dernières pages s'ouvrent alors sur la venue au monde d'un dernier espoir, de nouvelles valeurs et d'une nouvelle forme de justice...

Je remercie Babelio et les éditions Urban Comics pour ce bel ouvrage.
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