Citations sur Écoute les murs parler (15)
D’une rive à l’autre, de moi à eux, au-delà de nos effrois, il était une fois, à Cadillac, la folie en face, en plein cœur, révélatrice des profondeurs de notre humanité, de notre fragile et insondable condition.
Je ne sais plus, m’avait dit une jeune patiente schizophrène, si c’est la maladie ou l’enfermement qui sont en train de me rendre dingue.
Les patients aiment bien l’idée de ce filet ultime de sécurité. La poésie du « si besoin ».
Les patients doivent respecter les horaires fixés et suivre à la lettre les autorisations de sortie, sinon la confiance se perd et les permissions aussi. Cadillac vit au rythme de ces contraintes. Elle n’est pas une ville comme les autres. Les patients, sans le savoir, y déposent leur empreinte.
L’hôpital fait fonction de filer, in extremis. Il réceptionne tout ce qui n’est pas supportable dehors. Ici, à l’intérieur, atterrit un concentré de l’inacceptable. Mêler une folie à une autre, mêler des dizaines de folies singulières échouées dans ces pavillons. Est-ce bien raisonnable ?
Les patients bêchent, grattent, plantent. La terre est têtue, lente et capricieuse. Ils se cognent à elle. Puis on s'oublie en regardant pousser les fleurs et les légumes au gré des saisons.
La maladie mentale est si près de chacun de nous, quand elle n'est pas en nous. Elle fait si peur qu'elle est indicible. On ne parle pas de sa grand-mère morte internée dans un asile. On ne parle pas du fils qui s'est suicidé par mélancolie, bipolarité ou dépression. On ne parle pas du cousin interné à l'hôpital psychiatrique pour violences. On ne parle pas.
(p. 222-223)
Le cerveau des bipolaires tourne à mille à l'heure. Cet état si particulier que le philosophe Nietzsche appelait les "ivresses", que l'écrivain portugais Pessoa, qui souffrait de ne pas se sentir "être", avait baptisé les "crises d'abondance".
(p. 194)
Les psychotropes ont révolutionné la prise en charge des maladies mentales. Mais la parole, la conversation, l’écoute, l’évolution de soi dans le regard de l’autre ne pourront jamais être remplacés.
C’est beau, un patient adhésif. Il colle. Il adhère. Il aimante. Il a besoin de l’autre. Il ne s’en cache pas. Il fait corps.