« Il bruinait. La bruine est une grande maîtresse ; elle donne au monde la cohérence d’un crépuscule. Tout s’y floute, gris- bleu; on baigne dans un élément qui n’est ni l’air ni l’eau , qui fond l’aube et le couchant , et vous enveloppe plus sûrement encore que le malheur » .p. 95.
« Le jour mourait quand il avait traversé la Grand - Place jusqu’à la rue de la Cale.
C’était l’hiver: un vent glacial balayait l’eau du port et les flaques blafardes des quais ; de petits lambeaux de goémon dansaient , soulevés par les rafales . Autour, le village s’allumait de lueurs orange ; un néon verdâtre éclairait pour rien l’entrée de la coopérative maritime , les viviers et le silo à glace » .
Il n'y a rien de plus sérieux qu'un gosse, quand il joue.
« À Job.
Au théâtre du monde.
À toute absence .
À tous ceux qui partent chercher Dimitri .
Aux partisans de la Langouste.
À l’Amour enfin : c’est bien , avec le rire , la seule chose qui vaille la peine qu’on lutte » .
Celui qui ne veut rien faire trouve une excuse, celui qui veut faire quelque chose trouve un moyen.
Je me suis laissé prendre par l'épaule quand même, je n'avais aucun courage, aucune volonté, aucune raison de refuser cette main : posée sur mon épaule, près de la nuque, elle m'enveloppait le cœur.
Pour Job, c'était différent. J ne savais pas ce qu'il écrivait, personne ne le savait. Si ça se trouve, il écrivait de la poésie-et la poésie est à soi seule une sorte de vérité. On ne contredit pas de la poésie.
Ce n'était pas plus simple, cela dit, s'il écrivait de la poésie, parce que la poésie, elle doit avoir l'incandescence de l'acte-sinon, c'est rien qu'une sale manière, de la déco. La poésie, c'est un acte. Et pour que ce soit un acte-vraiment un acte, un truc incontestable- il faut y arriver, au point d'incandescence. Qui n'a jamais eu l'impression, en lisant un poème, qu'on a causé à sa place?
Et au final, ça fatigue beaucoup de sentir les choses : on s'aperçoit que rien n'est jamais exactement semblable. On note toutes les petites différences, toujours, à propos de tout.
... parce que dans la vie, tout est toujours plus compliqué qu'on croit, pour les autres - et plus simple qu'on croit pour soi.
Jo était en marge. Il était de l'autre côté. Il voyait, à l'infini,s'étendre le théatre des hommes; et il l'observait en spectateur.
Rien à voir avec les passifs, ceux qui se laissent porter et choisissent que les autres agissent pour eux. Ce n'était pas non plus la sérénité des contemplatifs: il faut être bien planté, bien agrippé au monde, pour contempler vraiment.
C'était autre chose. un forme de renoncement , quelque chose comme une séparation; et il était impossible de savoir si elle était volontaire ou subie, sereine ou douloureuse.