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Critique de Fleitour


Qu'est-ce qui a bien pu, conduire Jean-Paul Delessard à écrire cette fiction, qui s'apparente plus à une longue réflexion sur le temps qui passe, qu'à une intrigue entretenant un suspens haletant.
L'éclat de voix page 24, de Fantine nous éclaire sur le dessein de l'auteur ; “je voudrais moi, vieille petite femme des plus ordinaires, qu'une des figures du panthéon des lettres françaises, se préoccupât de rédiger l'histoire de ma vie dont je suis la première à penser qu'il n'y a pas de quoi faire un roman !


Jean-Paul Delessard lance un pari, la vie des humbles peut-il encore intéresser les lecteurs ?
Pour ma part, j'ai trouvé utile, mais sans doute délicat, de raconter Fantine, et de propulser au centre du livre, la vie simple d'une femme de la campagne. Fantine ne fait pas partie des taiseuses, et son audace d'écrire avec ses mots, sa vie, ses espoirs, et parfois ses détresses mais dans la lumière, exprime cette soif de dire, regardez comment les gens vivaient, et autrement que par le prisme de statisticiens ou de journaleux.


Le livre se situant en pays gallo on ne sera pas étonné, que l'auteur baigné dans cette culture, disperse ça et là quelque belles expressions de ce terroir comme, “ cet espèce de halètement qui allait avec les premières gerbes que le “ dégodivlou “ enfournait entre les tambours.”

De même, Fantine grande lectrice d'Irina de Valadouro, saisi chaque occasion pour relever tel ou tel mot, désuet mais très évocateur, et le mettre en avant avec malice, “ce fluage quand je ploie, mais résiste avant de retrouver ma forme initiale néanmoins marquée, de quelques cicatrices “.

Il ajout page 35, mais à quoi bon me ridiculiser! en reprenant un thème que vous avez si brillamment développé dans «  Fluage «, votre premier roman, celui que j'ai alors reçu comme une sorte de révélation.

A dix huit ans, Fantine, à la Closerie de Morsang, brûle de découvrir la pépinière et de s’acquitter au mieux de ces taches répétitives mais si ardemment espérées. Les hommes de la maison Duchemin, Michel et Paul-Henry, bouleverseront sa vie. Tout en observant Mme Grappon la bien curieuse, Fantine s'attache à raconter ce passé qui lui échappe encore.

Après le temps de l'allégresse, vient le temps de la mélancolie, du temps qui passe, des deuils, de l'usure des mots face à la dégradation du corps. Heureusement c'est Fantine qui parle pour l'auteur, comme pour s'excuser de parler de ce qui le ronge parfois, elle lance comme une boutade, “et la mort ?”
Pourquoi la craindre puisqu'elle n'est rien. Il faut craindre de ne plus vivre, pas de n'être plus.
La mort n'est que moche.


A travers la vieillesse des parents de Fantine, Jean-Paul Delessard espère persuader Irina, de s'attacher au destin des anciens; “chère Irina, je souhaite devenir ce personnage de votre prochain roman…”, et Fantine explose “l'ignorance de ce qui viendra après eux, l'incompréhension face à leur histoire aussi, devant la béance d'une vieillesse privée de sens. «  Ces hommes avaient marché insouciamment vers la fin de leur race « a écrit Victor Ségalen”.


Comme dirait Fantine le style est ample et fluide, avec ses incessantes digressions si chères à l'auteur, de ce besoin de lancer quelques pointes, de pas oublier ce que nous sommes modestement, juste âpre à l'écriture, apprentis maladroits mais téméraires.

Le livre d'un sage épris d'authenticité, et de liberté, pour un hommage à ses racines et à ses arbres séculaires, avant un dernier coup de théâtre pour clore cette fiction en un feu d'artifice journalistique.
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