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Critique de jean_reve


Alizée Delpierre a été domestique chez des riches et a mené des entretiens avec des patrons et des domestiques, elle-même ayant été nanny. Son livre ne concerne pas les emplois de service à la personne, de ménage des bureaux ou chez des particuliers. Il s'intéresse à celles (72 % des domestiques sont des femmes) qui sont au service de familles riche, qui sont majordomes, bonnes, nannies, lingères, chauffeurs, jardiniers, et qui libèrent leurs patrons des tâches ordinaires pour qu'ils puissent « jouir de leur pouvoir« , gérer des entreprises, créer de nombreux emplois, s'assurer de grandes fortunes. Leurs employeurs peuvent être de riches familles depuis plusieurs générations ou de nouveaux riches, avec ou non l'habitude d'être en contact avec une ou plusieurs "bonnes" .

L'enquête de la sociologue permet de connaître les conditions de vie des domestiques, de travail, de logement, de salaire. Elles sont le plus souvent nourries et prises en charge par leurs employeurs, les études de leurs enfants peuvent être prises en charge dans de bons établissements, ainsi que les soins médicaux, car « leurs patrons sont aussi leurs protecteurs« . le plus souvent immigrées ou de basses classes sociales, mais parfois très instruites, elles connaissent une « ascension sociale fulgurante« , percevant des salaires élevés et recevant des cadeaux luxueux. Elles acquièrent les codes de leurs employeurs (carnets d'adresses, façons de s'habiller, de se tenir, de parler). Expérimentées et discrètes, leur réputation peut leur permettre de choisir leur emploi, d'en changer.

En contrepartie, elles sont corvéables à merci, n'ont pas ou peu de vie privée, peuvent être licenciées sans le moindre préavis. Si elles sont immigrées ou issues de classes populaires, elles seront employées à des tâches subalternes. Leur réputation peut être brisée par une faute, une indiscrétion. Leur liberté d'organiser leur travail est souvent entravée par les exigences parfois extravagantes de leurs patronnes.

La relation des patrons avec leurs employés est ambiguë. S'ils se disent (et sont) souvent « attachés » à leurs domestiques, ils peuvent aussi les craindre parce qu'elles font partie de leur vie privée, elles connaissent la valeur de « l'opulence » de ce qui est dans leurs appartements et résidences de vacances, parce qu'il ne faut pas s'attacher à ces personnes qui partagent leur vie personnelle. Ils peuvent les « jeter » pour des raisons parfois inavouables. Les domestiques savent qu'elles sont exploitées par ceux qu'elles admirent. Montrant les points de vue des domestiques et de leurs employeurs, l'étude réussit à « dévoiler la complexité des mécanismes de la domesticité, de la domination rapprochée, de l'exploitation dorée, l'ambivalence des trajectoires » des domestiques

Cette intéressante et sérieuse étude est de lecture aisée. Elle montre ce qui est le véritable privilège de classe des grandes fortunes : « celui de se faire servir« .

Sans être un livre militant et sans porter de jugement moral, l'ouvrage conclut que « les grandes fortunes peuvent faire ce qu'elles veulent des personnes qui les servent, quitte à les priver de droits« .
Lien : https://lecturesdereves.word..
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