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Citations sur Servir les riches (14)

" Vous pensez qu'elle serait mieux à dormir sous un pont ? " m'a demandé un jour un employeur, après que je lui avais exprimé ma surprise d'apprendre que sa domestique dormait dans un cagibi. Vu sous cet angle, cette domestique était certes mieux lotie que losqu'elle était sans domicile fixe. Mais cet angle n'a rien d'évident, et pas grand-chose d'humain.
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" Ils n'ont pas de jours de repos fixés à l'avance, on voit ça avec eux, au feeling", m' explique Juliette, qui assure que ses domestiques réclament peu de jours de repos car "ils finissent par s'ennuyer, sinon ". D'ailleurs, avec un total de deux jours de repos sur l'année qui précéde notre rencontre, un salaire avoisinant les 1300 euros par mois, et une petite chambre de 10 m2 qu'ils partagent, Juliette estime que deux de ses domestiques, un homme et une femme sri lankais, bénéficient de beaucoup d'avantages en compensation de leur centaine d'heures travaillées par semaine : "Ils sont bien contents car au Sri Lanka, jamais ils n'auraient eu tout ça !", ajoute-t-elle.
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Mais les riches définisent l'espace des possibles, pour le meilleur et pour le pire. Ils peuvent le faire car l'Etat et l'institution judiciaire notamment ne contrôlent pas les emplois qu'ils créent. Leur maîtrise des lois, des moyens de les contourner, de les optimiser à leur faveur, et leur capital social leur conférent un pouvoir certain.
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L'argent, c'est du temps
Si Charles peut investir dans la rose de luxe, c'est certes parce qu'il en a les moyens, mais c'est surtout parce que son argent lui permet d'avoir à son service six domestiques qui s'occupent d'entretenir son château et son jardin, pendant que lui s'attelle à la création de son entreprise. S'il devait à lui seul faire le ménage dans chacune des pièces, ramoner ses quatre cheminées, nettoyer les tapis et tapisseries qui ornent le sol et les murs, préparer du pot-au-feu et de la tarte aux pommes pour la douzaine d'invités qu'il reçoit tous les deux jours à dîner, tailler ses nombreux rosiers, tondre ses hectares de pelouse, laver les draps et faire les lits des dix chambres, s'occuper du matin au soir de ses onze petits-enfants lorsqu'ils sont en vacances chez lui, il n'aurait probablement pas le temps de gérer son entreprise. Les domestiques ne servent pas qu'à exhiber la fortune de leurs patrons et à assouvir leur besoin d'exceptionnalité et de reconnaissance. Plus prosaïquement, elles sont une main-d'oeuvre quotidienne qui leur libère du temps pour faire autre chose : travailler, sociabiliser, prendre soin de soi et des autres, monter des projets, sortir ou se reposer.
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Les grandes fortunes peuvent faire ce qu'elles veulent des personnes qui les servent, quitte à les priver de droits.
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Pour les classes populaires les plus précaires, avoir recours à des services à domicile est tout simplement inimaginable. La marchandisation des services remplace les tissus relationnels d'entraide interfamiliaux, amicaux ou de voisinage qui se désagrègent en même temps que la société s'individualise, et qui n'ont pas la même densité pour les uns que pour les autres. Au lieu de renforcer les privilèges en laissant la domesticité à l'économie de marché, les pouvoirs publics pourraient créer un véritable service public d'aides et de services à domicile, accessible à toutes et tous, et pourvoyeur d'emplois stables, bénéficiant d'un statut protecteur équivalent à celui des fonctionnaires et d'un revenu décent.
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Les rapports entre patron et domestique ne se résument pas à une relation professionnelle classique. Ils sont à mi-chemin entre ceux d'un professeur avec ses élèves, et ceux d'un parent avec ses enfants. Ils comportent une dimension socialisatrice, qui nourrit un autre aspect de l'illusio : faire partie d'une même famille, à défaut d'être du même monde. En entrant au service des riches, les domestiques s'entendent dire qu'elles sont des membres de la famille. L'argent qu'elles gagnent, les cadeaux qu'elles reçoivent, la chambre dont elles disposent, les livres qu'elles lisent, la musique qu'elles écoutent, l'art de dresser la table et la manière de s'habiller pour faire le service d'un dîner mondain émanent des comportements paternalistes de leurs patrons. Être prises sous leur aile alimente des rêves qui expliquent l'émotion avec laquelle elles se sentent redevables de leurs patrons. De leur côté, les patrons entretiennent assidûment leur rôle de passeurs ou de conseillers, que ce soit en matière d'argent, de codes, de valeurs ou de goût.
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Durant trois ans, elles a travaillé pour une famille française de haut fonctionnaires en région parisienne. Chez eux on n'avait pas le droit de sortir et ne pouvait donc pas s'acheter à manger pour compléter ses maigres repas fait de fond de soupe, d'os, de quignon de pain sec. Ses patrons avaient caché son passeport. Elle recevait des claques, parfois, quand elle n'était pas assez rapide à leur goût." Ils me disaient :" toi, tu es bien une africaine, tu es lente et molle!" se souvient-elle.
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Quand je lui demande combien d'heures par jour, il travaille, il ne sait pas tout de suite me répondre. Après avoir réflêchi quelques minutes, il me dit qu'il ne dort que trois heures par nuit, tout au plus. Le reste du temps, il le consacre à ses patrons. (...)
Pour sa part, Gustave touche certes 5000 euros par mois et une dizaine de primes de 300 euros par an, mais il n'a aucun jour de repos, ne sort jamais de la maison de ses patrons et a perdu tout contact avec sa famille et ses amis. Le droit du travail, qu'il connait pourtant, ne s'applique pas à lui.
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Le départ fait surgir des émotions intenses où se cristallise l'illusio de la domesticité : le sentiment d'être devenue indispensable, la promesse implicite d'être loyale et de consacrer sa vie aux patronnes, la reconnaissance d'avoir été embauchée, logée, nourrie, récompensée par des cadeaux dont la valeur économique ou émotionnelle est presque inestimable, provoquent souvent de la culpabilité chez les domestiques. À cela s'ajoutent l'attachement réel qu'elles ont noué avec la famille servie et la peur de la réaction des patronnes, de leur vengeance, de ne pas retrouver de travail, ou d'une soudaine solitude.
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