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Critique de Sando


Sando
15 septembre 2014
Avez-vous déjà entendu parler du syndrome de Diogène ? Il s'agit d'un trouble du comportement conduisant un individu à s'isoler du reste de la société en se créant son propre environnement constitué bien souvent d'un amas d'objets et de déchets agglomérés les uns aux autres, dans des conditions d'hygiène en général déplorables.


C'est ainsi que la vieille dame, le personnage principal de ce roman, a transformé au fil du temps son petit appartement en véritable terrier, accumulant, entassant, compactant les objets entre eux jusqu'à former des galeries dans lesquelles elle se terre, se protège et où elle se sent en sécurité. Seul le couloir d'entrée demeure intacte, la vieille femme veillant à ce que son unique lien avec les hommes, bien que de plus en plus rare, se fasse sur un terrain neutre, en dehors de chez elle. A présent, ses contacts avec l'extérieur se résument aux visites de sa nièce qui passe encore, de temps en temps, lui apporter quelques douceurs. Et à celles de son voisin, Monsieur Zaraoui, qui vient tous les jours, tambouriner à la porte et menacer d'appeler les pompiers pour la faire sortir de chez elle. Il prétend que l'odeur est devenue insupportable, qu'elle s'infiltre dans tout l'immeuble et que la vieille est folle, qu'elle a besoin d'aide… Et puis il y a l'assistante sociale, impuissante et parfaitement inutile. Heureusement qu'il y a cette fenêtre qui donne sur la rue et par laquelle la vieille observe et se nourrit des scènes de la vie des autres. Mais seule, elle ne l'est pas vraiment. Son chat lui tient compagnie, ainsi que les insectes en tout genre qui prolifèrent dans les ordures. Si seulement on pouvait la laisser tranquille…


Avec « Madame Diogène », Aurélien Delsaux part de la réalité d'un syndrome méconnu et nous offre un premier roman percutant et dérangeant sur la vieillesse, la solitude et la détresse humaine. On ne sait rien de ce qui a conduit cette vieille femme à un repli sur elle-même aussi extrême. Drame personnel, dégoût de la société, folie ? Plus que les causes, ce sont les symptômes que l'auteur nous décrit avec une minutie remarquable. le retour à un état primitif, sauvage se traduit par la perte du langage et de la dignité. La vieille femme évolue dans ses propres déchets, où se mêlent ses déjections et où prolifèrent insectes et nuisibles de toutes sortes. Elle s'accommode de sa crasse, ayant perdu depuis longtemps la conscience de sa propre image. Les souvenirs du passé surgissent parfois, de manière fugace, pour disparaitre aussitôt.


Ce qui frappe d'abord, c'est l'équilibre qui règne dans le désordre apparent, mais aussi et surtout cette immense solitude, cet état de décomposition qui ronge tout, la chair comme les objets, et cette agonie lente et oppressante … Mais en réponse à cette détresse qui suinte à travers les murs et les portes, il est troublant de voir que la vieille se heurte à la haine et à la colère de ses voisins, dérangés dans leur tranquillité et qui, plutôt que d'apporter leur aide, font planer sur elle la menace d'une exclusion imminente. Aurélien Delsaux nous offre un portrait grinçant et corrosif de la société d'aujourd'hui, où l'égoïsme et l'indifférence règnent en maîtres. Un monde dominé par la peur du vieillissement et qui, plutôt que de l'affronter et l'accompagner, le rejette avec parfois une violence inouïe. Un premier roman percutant, empreint de folie douce, et qui donne à réfléchir !
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